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« A voté » : c’est fait l’Europe a voté. Bien plus qu’on ne le prévoyait. Les vraies premières élections européennes dont les enjeux européens n’ont pas échappé aux électeurs.

Dans quasiment tous les pays, les taux de participation sont en hausse, jusqu’à 61,5 % en Allemagne, 66 % au Danemark alors que les élections législatives les attendaient le dimanche suivant. En France les électeurs se sont davantage déplacés qu’aux dernières législatives. En Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie, les taux de participation sont nettement plus élevés qu’aux précédentes élections européennes. Et il semblerait que les jeunes générations ont beaucoup voté : une très bonne nouvelle.

Quant aux résultats ils sont finalement assez intéressants : les partis pro-européens (conservateurs, sociaux-démocrates, écologistes et libéraux) rassemblent une part très large des votes et obtiendront sans doute de nombreux sièges. Et les votes écolos, très forts en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en France montrent à la fois une vraie prise de conscience et la certitude que c’est au niveau européen qu’il faut agir rapidement pour le climat, pour la biodiversité, pour une meilleure organisation des activités humaines sur notre planète terre.

De nouveaux partis sont apparus et ont réussi leurs premiers pas tels Momentum en Hongrie (9,9 % des voix) ou Le Printemps en Pologne (6,6). Quant aux vieux partis fatigués, on ne va pas pleurer.

Les mauvais résultats des partis précédemment dominants au Parlement européen sont porteurs d’une critique forte du tout libéralisme et du tout commerce ouvert à tous les vents, et en même temps d’un message clair pour une Europe plus sociale, plus écologiste, plus protectrice au plan commercial et plus égalitaire.

Le Parlement européen sera plus divers, moins dominé par la « grosse coalition » (modèle allemand) conservateurs et sociaux-démocrates, et probablement plus vivant. Sans aller jusqu’à savoir ce que seront les futures alliances, la répartition des postes, c’est un gage de plus de démocratie, en tout cas de plus de débats ouverts, de plus de politisation et de passions européennes : espérons que les médias et les citoyens s’en empareront…

Les chantiers ne manquent pas : il faudra se souvenir que la campagne dans les différents pays a mis en avant de nombreuses propositions : SMIC européen, système d’assurance-chômage comportant une part nationale et une part européenne, fonds d’investissement pour la transformation énergétique, consolidation budgétaire de la zone Euro, et pourquoi pas politique industrielle et technologique européenne… On voit aujourd’hui le fils Mittal (Les Echos, 31 mai 2019) souhaiter que l’Europe se défende davantage face aux offensives commerciales de Trump et des Chinois. Curieux !

Certes les droites populistes et les extrêmes droites sont bien présentes (même si elles restent désaccordées pour l’instant). La carte électorale de la France n’est pas réjouissante à cet égard : dans les villes un peu grandes, ce sont toujours LRM et EELV qui sont en-tête. Mais pour le reste… C’est que les fractures sociales et territoriales, les écarts entre les niveaux de formation et de culture sont bien là. Le Grand débat a fortement invité à s’y attaquer pour de bon. Mais faut-il au nom de nos passions égalitaires, celles qu’a si bien décortiquées et annoncées Tocqueville, vouloir toujours que tout soit pareil en tous les points du territoire ?

On peut être européen et poursuivre l’aventure européenne en respectant la diversité de nos cultures et de nos nations, voire des choix politiques des uns et des autres (Voir dans Metis « On ne naît pas européen on le devient », Jean-Marie Bergère, avril 2019). On peut être républicain et favoriser des initiatives locales correspondant à des situations différentes et des souhaits variés des habitants, des citoyens, des acteurs locaux. En somme, le droit à la différenciation. Sans doute est-il temps pour que cela advienne d’engager une nouvelle étape de décentralisation qui donne aux collectivités locales de vrais pouvoirs d’organisation de la vie collective sur les territoires (logement, accompagnement social, écoles, transition énergétique, formation professionnelle, transports…), qui les responsabilisent et les engagent à un débat permanent avec des gens qui ne sont plus comme au 19e siècle des « administrés », mais bien des « citoyens » revendiquant une part de démocratie et d’engagement.

On parle souvent du millefeuille territorial. Il est vrai que la complexité administrative de l’empilement des niveaux de collectivités locales n’aide pas l’exercice démocratique qui est aussi l’imputation des responsabilités et discussion des « causes et effets ». Que dire de ces grandes intercommunalités créées tout récemment de manière plus technocratique que participative ?

De la commune que chacun appréhende dans sa proximité immédiate à l’Europe : il y a de quoi simplifier en sorte de savoir qui est responsable de quoi. Et de quoi démocratiser ?

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.