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Il se confirme que les distances géographiques se réduisent. Et que les distances sociales s’accroissent dans le même temps.

Les Etats-Unis seraient à portée de missiles de la Corée du Nord ? Une grande partie du monde (toute l’Europe en tout cas) à portée du nouveau missile hypersonique de Poutine (déployé sans que beaucoup ne s’en inquiètent le 31 décembre 2019). Il s’appelle « L’Avangard ». Et nous tous à portée de toutes les catastrophes du monde : l’Australie qui brûle, et ce n’est pas parce que c’est l’un des gouvernements les plus climato-sceptiques et le premier exportateur de charbon au monde que l’on ne va penser avec sympathie aux Australiens. L’Indonésie est sous les inondations. Sans parler des assassinats (j’observe qu’un peu partout dans le monde c’est le mot employé à propos du Général iranien Soleimani) à portée de drone. L’entrée dans la nouvelle décennie n’est pas brillante : on a entendu dire de 2020-2030 que ce serait la décennie de tous les dangers…

Mais pour l’heure elle ressemble étrangement à l’année précédente. Les routes, voies et ceintures (celles de la Road and Belt Initiative chinoise) se déploient, d’autres se bloquent sous le coup de refus et protestations. Toutes les routes sont pourtant au cœur de nos vies. Les ronds-points et les gares, les voies de chemin de fer ou de tram, les «  transports » nous sont indispensables. Flux et trafics : quand les machines qui ont encore des conducteurs se refusent, alors nous marchons, nous expérimentons d’autres engins, divers, parfois encore maladroits : ils seront peut-être l’avenir. Ils sont individuels tout comme notre bonne vieille voiture. Et bien pratiques.

J’ai discuté avec l’une des caissières (Bengali) du Franprix de la rue des Moines : il lui faut deux heures chaque matin et chaque soir pour venir à son travail. Elle parle des grèves comme de la météo « de toute façon on n’y peut rien ». J’ai discuté avec la poissonnière du très grand supermarché Leclerc de Charvieu-Chavanieux, dans l’Isère : elle avait du mal à identifier ce qu’est la RATP. J’ai beaucoup circulé en voiture en Auvergne–Rhône-Alpes, les routes étaient bien encombrées, mais tout cela dans un étrange et très grand calme. « On se débrouille » est devenu comme une seconde nature. Waze est mon ami, on s’échange des SMS, des messages WhatsApp… « On se débrouille », comme j’imagine que l’on doit le faire en temps de guerre. Je dis j’imagine car de la guerre nous (en Europe) sommes protégés depuis si longtemps.

Le temps de Noël c’est aussi ce moment où s’entrecroisent les préoccupations politiques, sociales et les petites news des uns et des autres, famille et amis : on a beaucoup acheté sur Alibaba cette année et pour la première fois j’entends parler d’AliExpress : tous les records de prix bas sont battus paraît-il. Evidemment les délais de livraison sont plus longs que sur Amazon, mais avec les terminaux de conteneurs de Zeebruge, Valence, Bilbao, que des armateurs chinois viennent d’acquérir, avec le Port du Pirée et plusieurs aéroports, avec le passage du Nord-ouest au travers de l’Arctique qui fond, cela ne peut que s’améliorer. Et la grande bataille des normes internationales vient de commencer pour la Chine. Le prochain rendez-vous est en 2049.

Que seront nos nouvelles routes, en 2020 et après ? Beaucoup dans le monde, on le voit aux révoltes de nombreux peuples, nous ramèneront au social, trop oublié, aux inégalités et aux dictatures corrompues.

Beaucoup de voies se dessineront de Pékin à l’Europe, dont il nous faut impérativement penser « qu’elle n’est pas le problème, mais la solution » (François Godement et Abigaïl Vasselier, La Chine à nos portes, 2018).

Ce seront aussi les routes et voies de notre pays que l’on ne voit pas se construire tant il est peu doué pour le débat responsable, la décentralisation et le dialogue sous toutes ses formes.

Et bien sûr les routes de chacun, les parcours, les chemins de travail et de vie (Voir le dossier de Metis qui débute aujourd’hui « Choisir son avenir ? »).

Alors en ce début d’année, un grand merci aux nombreux lecteurs de Metis qui se sont mobilisés pour nous apporter leur soutien financier indispensable et une très bonne année de la part de toute l’équipe de rédaction !

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.