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L’histoire à répétition du virus aura décidément bien changé le travail et notre rapport au travail. Pas facile d’en brosser un tableau exhaustif, d’autant que des évolutions vont encore se produire.

Une note Connaissance de l’emploi du CEET de juin 2021 fait un point intéressant à partir de l’Observatoire EVREST. 10 % des salariés déclarent que leur travail a perdu du sens : typiquement des femmes de plus de 40 ans cadres ou des professions intermédiaires dans les services, et dont beaucoup ont été en télétravail. 29 % pensent que leur travail a gagné en intérêt. Majoritairement des femmes de moins de 30 ans avec des conditions d’emploi précaires travaillant dans les secteurs du commerce, de la santé et de l’action sociale et ayant alterné télétravail et travail sur site. Mais trouvant davantage d’intérêt et de reconnaissance au quotidien dans le travail sur site. 61 % n’ont ressenti aucun changement : surtout des hommes contremaîtres et ouvriers qualifiés des secteurs de l’industrie et du bâtiment. C’est juste une photographie, mais elle laisse à deviner la grande hétérogénéité des situations et les difficultés encore à venir pour faire place à des formes de travail hybride qui se cherchent, mais ne soient pas trop inégalitaires.

Metis s’est associé avec la CFDT Cadres et l’Observatoire des Cadres et du management (ODC) pour éditer un ouvrage (en ligne et en version papier) à partir des articles de Metis et de la revue Cadres : 2020, Chronique du travail éloigné. Demandes de changement. Histoire de se souvenir de cette année 2020, à la fois un retour d’expérience et un questionnement pour l’avenir car, décidément, cette année-là va durer longtemps.

Une réforme des retraites alors que l’on est encore dans le tourbillon des vagues de pandémie ? Chiffon rouge, marqueur politique ? Le passage de 60 à 62 ans de l’âge de départ a certes fait baisser le nombre de retraités dans cette tranche d’âge, mais sans pour autant augmenter le pourcentage de personnes en emploi : la moitié seulement des personnes de 55-64 ans sont en emploi (78 % en Suède, 71 % en Allemagne). Les prestations sociales (chômage, RSA, invalidité…) se sont substituées aux préretraites… qui cependant font en ce moment leur grand retour dans les entreprises !

Tous vaccinés ? Il le faudrait et l’on ne peut avoir qu’incompréhension (et peut-être stupeur) en pensant à ceux qui s’y refusent. Il est impressionnant de constater que le niveau d’accord pour la vaccination est fonction du niveau de qualification lié au diplôme, par exemple au sein des personnels soignants. Pour eux, comme pour tous ceux qui s’occupent d’action sociale, d’accompagnement des personnes âgées et d’orientation des jeunes et des adultes, la bonne question est d’abord celle de leur montée en qualification. Ce que ne cessent de redire à la France les différents rapports de l’OCDE sur ces sujets. Le Plan d’Investissement dans les compétences s’y est attaqué en partie, mais pas les entreprises.

Comment mener «  en même temps » une stratégie de montée en qualification des actifs, et l’accès à une vraie « deuxième chance » (reconversion) pour ceux dont les métiers sont pénibles, ou sans reconnaissance financière facile, ou en transformation rapide du fait des transitions écologiques et numériques ? On peut utilement se rappeler que la possibilité d’une « deuxième chance » était l’enjeu essentiel de la Loi Delors de 1971 (peu de temps après 1968 !), que cet enjeu emportait aussi l’idée d’une « promotion sociale » pour le plus grand nombre. À l’heure du micro learning et du nudge, et du tout individuel, il est urgent de reprendre en lien avec le travail (AFEST par exemple) des démarches collectives de formation et de développement des compétences au sein des entreprises.

Comment assurer un bon niveau de formation générale (et le numérique en fait partie) des jeunes, qui leur permettra ensuite de se retourner, de changer, d’évoluer, tout en leur permettant par l’alternance de se frotter à l’entreprise et aux réalités diverses du travail ? Les articles qui suivent dessinent des pistes quant à l’apprentissage et aux nouvelles formules pédagogiques.

Ah oui j’ai oublié : il y a eu des élections locales. Un certain échec de la décentralisation à la française (voir dans Metis, « Les leçons des régionales », Paul Santelmann, juillet 2021).

Finalement ce sont peut-être plutôt des questions pour la rentrée ?

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.