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danielle kaisergruberLa rentrée : c’est l’école. Ses bonheurs de retrouvailles après de si difficiles moments. Ses problèmes qui sont grands en période de crise sanitaire. Ses urgences.

« Dis-moi dans quel quartier tu habites, combien gagnent tes parents, où ils sont nés, et je dirai si tu réussiras à l’école » (Edito, Le Monde, 3 septembre 2021). Décidément en cette rentrée nous voilà contraints de revenir à ce constat si souvent formulé : la France reste l’un des pays dans lesquels les origines sociales influent le plus sur les trajectoires scolaires et donc sur leurs suites. Ça vient de loin, et ça dure. Face à ces fonctionnements si profondément ancrés dans une société, on se demande parfois que faire, quel fil rouge tirer pour faire bouger les choses.

Les mesures prises récemment (en particulier le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zones d’éducation prioritaire) semblent produire des résultats positifs. De nombreux enseignants soulignent qu’au-delà du temps plus important consacré à chaque enfant, elles permettent des liens plus étroits avec les familles. Ces liens renforcés qui justement se sont développés et ont été appréciés durant le premier confinement.

Mais beaucoup reste à faire pour lutter contre le « darwinisme social » analysé par François Dubet et Julien Grenet, en d’autres termes contre les inégalités scolaires qui s’inscrivent si exactement dans les traces des inégalités sociales. On a longtemps cru qu’un système centralisé et homogène était une garantie d’égalité alors que de nombreuses études internationales montrent que les pays où les établissements disposent d’une large autonomie obtiennent davantage de réussite scolaire pour tous. On croit souvent qu’il suffit de repérer « les bons éléments » pour corriger les inégalités : c’est loin d’être suffisant. Et c’est même pervers, car c’est conforter l’orientation de l’ensemble du système vers la sélection des élites.

Le constat d’un système éducatif violemment inégalitaire, excluant (même si le nombre de jeunes sortant sans qualification a bien baissé), se complète d’un constat sur les défauts d’un système de formation continue qui ne corrige pas les ratés de la formation initiale. Le besoin de changements de métiers, de reconversion professionnelle est grand, le besoin de mobilité sociale aussi. La crise sanitaire a fait naitre de nouvelles envies professionnelles. La promesse d’une deuxième chance (celle de la loi Delors de 1971) n’a pas été tenue, la lettre de lois plus récentes « permettre à chacun par la formation continue d’accroître sa qualification d’au moins un niveau » est trop rarement concrétisée dans les entreprises. Et ces secteurs où travaillent les salariés de la « deuxième ligne » qui peinent à recruter en ce moment devraient se montrer capables de proposer de vrais parcours et des mobilités appuyés sur la formation, sur la reprise d’études, sur la VAE.

C’est véritablement de « formation différée » qu’il faut parler ou, si l’on préfère « d’éducation tout au long de la vie ». Jean-Louis Dayan a bien éclairé pour Metis ces sujets : « Reprises d’études : quand les jeunes se fabriquent une seconde chance », article repris cet été.

À trop opposer l’éducation initiale et la formation continue, certes deux systèmes bien différents dans leurs modes de fonctionnement et de financement, on en oublie la nécessaire continuité des « apprentissages ». Car c’est bien d’apprendre qu’il s’agit : « life long learning » dit-on en anglais et l’expression est plus juste. Il est un peu désolant d’apprendre que, selon une enquête du CEREQ, « en 2020, la crise sanitaire a mis à l’arrêt la formation en entreprise », sauf pour les quelques-unes qui ont développé la FEST (formation en situation de travail) et/ou l’autoformation en ligne.

Les défis sont nombreux : transition écologique et bouleversements liés au numérique, difficultés de recrutement et salariés en demande de changement de voie professionnelle, nouvelles exigences quant à la qualité du travail. Les changements profonds qui bouleversent le travail appellent une montée en qualification, gage d’autonomie et de prise de responsabilité.

On pourra discuter des transformations profondes du travail lors d’un séminaire (en présentiel !) organisé par l’ODC (Observatoire des cadres et du management) et Metis durant la matinée du 7 octobre prochain : « Le travail éloigné, nouvelles demandes de changement ». Pour connaitre le programme et s’inscrire, c’est ici !

La rentrée 2021 : l’urgence éducative et l’urgence de développement des compétences tout au long de la vie sont à mettre au programme (ou aux programmes).

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.