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Henri Vacquin Henri Vacquin

Aussi rigides que nous puissions être, pleins de certitudes ultra libérales, léninistes, trotskistes, maoïstes, populistes ou autres, il devient malgré tout difficile de nier que nous sommes des mutants. Les modèles, qu’ils soient suédois ou grands bretons pour les uns, Enronien ou Wall-martisant pour les autres, ont tous du plomb dans l’aile. Il est difficile de penser que notre modèle français puisse échapper aux questionnements qui atteignent tous les autres. Le temps n’est plus où l’on pouvait, comme lors de la création de ma lettre il y a 29 ans, s’enfermer dans l’Hexagone pour tenter de questionner dirigeants patronaux et syndicaux sur les postulats qui étaient les leurs.

Les évènements ont depuis fait leur œuvre dans l’Hexagone comme en Europe et partout sur la planète. Difficile dès lors de comprendre la mutation du travail et des rapports sociaux français sans les saisir dans leurs dimensions européenne et planétaire. Difficile, au même titre, de penser que nous avons le monopole de la xénophobie, de la difficile socialisation des jeunes ou que le réchauffement de la planète s’arrêtera aux frontières nationales. Difficile enfin d’analyser la mutation du travail comme des rapports sociaux au travail sans prendre en compte la mutation sociétale dans laquelle nous sommes.

C’est à l’intégration de ces trois dimensions que nous allons nous attacher pour tenter de comprendre chacune d’entre elles pour nous interroger sur notre manière d’être Français et Européens. C’est ce qui nous a également valu de nous associer plus étroitement avec l’Université européenne du travail (UET) qui, depuis sept ans, œuvre dans ce sens et dont le délégué général, Claude-Emmanuel Triomphe, alimentait la rubrique européenne de la précédente lettre. Cette métamorphose de Stratégie du Management imposait un titre qui parle, nous avons retenu Metis « Correspondances européennes du travail ».

Metis en référence à la déesse grecque qui « originaire du fond des mers, de ces lieux de l’incertitude glauque où la lumière ne pénètre jamais, détient l’aptitude de prévoir au-delà de ce que l’on sait déjà » (J.P.Vernant). Une prévisionniste exceptionnelle à laquelle les Grecs avaient simultanément attribué d’être la déesse de la prudence. Se mettre sous son patronage nous a semblé des plus utiles quand, par exemple, abordant les problèmes du développement soutenable, il faudra en découdre avec le scientisme ou les automatismes de la prise de décision pour les remettre sous le contrôle de la Cité. « Correspondances européennes du travail » parce que c’est par excellence ce que nous voulons faire exister dans une toute autre synergie entre nos singularités européennes toutes confrontées aux mêmes mutations du travail, des rapports sociaux et des rapports sociétaux.

Metis n’est pas une « newsletter ». Vous n’y trouverez pas du « qui quitte quoi pour être nommé où », ni strictement un inventaire de faits. Notre parti pris est d’en faire un lieu d’analyse et de prises de position parfois même très hétérogènes. Ce sera tout à la fois une lettre de réflexion et d’interrogation, un centre de ressources. Ainsi, dans ce premier numéro, nous avons retenu pour chacune des rubriques – Actualité, Controverse, de Hier à demain, Acteurs – les faits qui nous semblent être les plus significatifs. En France où, après les lendemains du mouvement anti-CPE, l’électroencéphalogramme social est des plus plats, on se laisse aller à notre vieille habitude de « rapporter », de Hadas-Lebel à Chertier, dans une vaine catalyse d’auto-rénovation patronale et syndicale.

Autre sujet : l’amiante. Les nuisances sociétales de notre cher productivisme, dans le cas d’espèce amiantesque, se traduisent par des sanctions pénales pour l’encadrement. A quand la conception d’un principe de précaution pour protéger de la « faute managériale inexcusable » ?

Nous revenons sur le feuilleton Arcelor-Mittal et ses enseignements : certes le marché tient lieu de politique industrielle européenne, mais le syndicalisme européen n’apparaît pas plus à l’aise pour juguler les corporatismes syndicaux nationnaux que l’Europe ne l’est avec les Etats membres.

Dans la relative absence de forts contrepouvoirs, dans l’Hexagone comme ailleurs, l’horreur du vide produit ses effets. Metis se penche sur l’émergence de « class actions » à la française. Une forme de contrepouvoir des consommateurs, qui laisse les syndicats trop indifférents, mais qui, à l’aune de la peur qu’il suscite dans le milieu patronal, augure du plus grand intérêt.

Enfin, dernier fait saillant à mes yeux, le développement des learning representatives, une perle de Grande-Bretagne. Le législateur, à l’encontre de ses habitudes, a dans l’entreprise doté des acteurs autodidactes d’un statut de représentant du personnel. Leur mission étant de détecter les besoins en formation des salariés peu qualifiés et d’organiser leur parcours de formation. D’un simple clic, découvrez tous les développements de ces sujets.

Henri Vacquin

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