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par Pervenche Bérès, Clotilde de Gastines

Les politiques de marché de l’emploi menées sous le signe de la flexicurité se sont-elles plantées ? Dérégulant, forçant les mobilités, sans sécuriser les parcours. Quelle est la réflexion que mène la commission des affaires sociales sur le sujet ? La théorie des marchés transitionnels de l’emploi est-elle plus adaptée ?

 

Beres

En effet, depuis quelques années la flexicurité scandinave est à l’honneur en Europe. L’une des deux composantes de ce concept est la flexibilité. De nombreux pays ont donc mis en place cette flexibilité sans sa contre partie : la sécurité. Les pays scandinaves sont, en effet, les pays dans lesquels les prélèvements sociaux sont les plus élevés.

Un rapport d’initiative est en cours d’élaboration sur le sujet au sein de la Commission de l’Emploi et des affaires sociales : « Contrats atypiques, sécurisation des parcours professionnels, flexicurité et nouvelles formes de dialogue social ». La flexicurité ne représente cependant qu’une partie de ce rapport. Comme le dit le secrétaire général adjoint de la Confédératon européenne des syndicats (CES), Joël Decaillon, « quelle est la rigidité d’un système qui produit des milliers de chômeurs en quelques mois ? » . Cependant en période de crise alors que l’objectif devrait d’abord être de permettre de maintenir les personnes dans leur emploi, un tel concept est de peu de pertinence.

 

Quant à la théorie des marchés transitionnels de l’emploi, de par son approche plus globale est en effet mieux adaptée. Ce concept se retrouve dans divers instruments communautaires comme le fond européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), les fonds structurels européens ou encore EURES le portail européen sur la mobilité de l’emploi. Le FEM devrait avoir vocation à se développer compte tenu de l’évolution du marché du travail et du besoin d’accompagner les mutations.

 

Ou bien faut-il repenser radicalement cette intégration européenne (qui est souvent présentée comme une « Europe qui protège », alors qu’elle dérégule beaucoup) en l’approfondissant (régulation financière, redéfinition des cadres et interactions économiques, des protections sociales) ?

 

La crise financière, économique et sociale actuelle a fait prendre conscience aux différents acteurs européens qu’il est nécessaire de construire une Europe qui protège davantage. Il y a un consensus assez large concernant la nécessité d’une plus grande régulation des marchés financiers.
Une réflexion de fonds est également menée au Parlement européen par la Commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale dont je suis la rapporteure. L’objectif de cette commission est de « proposer des mesures appropriées pour reconstruire à long terme des marchés financiers sains et stables, qui permettront de soutenir une croissance durable, la cohésion sociale et l’emploi ».

 

La crise que nous connaissons actuellement est une formidable opportunité pour construire cette Europe protectrice que j’appelle de mes vœux depuis de nombreuses années. Cependant, le cas de la Grèce nous fait réfléchir sur la nécessité des réformes et du bien fondé du pacte de stabilité et de croissance tel qu’il est actuellement.

 

En matière sociale, ce sont avant tout les Etats membres qui sont compétents. Pour autant, on voit bien comment au plan européen le développement du marché intérieur et les objectifs de réduction des déficits publics peuvent affecter les protections sociales définies au plan national.
De plus, l’ampleur des conséquences sociales de la crise oblige l’Europe dans sa « stratégie 2020 » à fixer des objectifs en matière sociale. Les débats en cours relèvent combien ses enjeux sont stratégiques en termes politiques mais aussi au regard de la répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres.

 

Pervenche Bérès 

Députée européenne et Présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen

 

Voir le dossier flexicurité

Lire le numéro spécial de l’IRES : Flexicurité, sécurisation des parcours professionnels et protection sociale

 

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