Vilvoorde, Bochum, Bilbao, Manchester, Göteborg, Katowice, Florange… : la question des restructurations industrielles n’est pas l’apanage de la France en Europe mais c’est sans doute dans l’hexagone qu’elle est la plus sensible, la plus passionnée… Alors qu’ailleurs sauf exception, l’événement a un caractère le plus souvent local, que les politiques ou les médias ne s’en saisissent guère, en France, toute affaire ou presque prend rapidement une tournure nationale.
C’est comme si chacune d’elle nous touchait dans notre chair. Certaines plus que d’autres néanmoins… Lorsqu’il s’agit de l’industrie, surtout la plus ancienne comme la sidérurgie, et pour ne prendre que l’actuelle affaire du site ArcelorMittal de Florange, tout le monde monte au créneau. En revanche, la fermeture d’un centre d’appels, d’une association de services à la personne ne suscite en général qu’indifférence et résignation. Deux poids, deux mesures… L’affaire de Florange est donc emblématique d’un certain théâtre à la française : celui des grandes déclarations politiques, souvent suivies de peu d’effets, celui du drame social annoncé (et pour Florange depuis longtemps) mais pas pour autant anticipé , celui d’une politique industrielle tournée vers le maintien beaucoup plus que vers l’innovation, celui d’une posture excessivement défensive de la mondialisation, celui d’un dialogue social réduit à recoller ce qui peut encore l’être et j’en passe…
Je n’ai pas compétence pour juger de la rentabilité et de l’avenir des activités de Florange. Les avis sont contradictoires et dépendent en partie de la conjoncture industrielle mondiale, qui comme chacun le sait, peut évoluer. Mais ce que je sais c’est que la manière dont nous nous y sommes pris jusqu’à maintenant désespère Florange mais aussi beaucoup d’autres. Ce qui me peine ce n’est pas le volontarisme maladroit et parfois brutal de Montebourg, c’est l’incapacité de l’Europe à faire preuve de la même détermination en matière industrielle, ouvrant ainsi la voie aux replis nationalistes et populistes. Ce qui m’inquiète, c’est le peu d’attention et de mobilisation suscitée par la création mais aussi la tendance qu’ont les élites françaises à faire « pour les gens » plutôt qu’à faire « avec eux». Ce qui me scandalise, c’est l’incapacité des acteurs institutionnels – politiques, économiques mais aussi sociaux – à faire confiance aux plus jeunes, mais aussi aux plus déshérités – je pense bien sûr d’abord aux jeunes des banlieues mais aussi à beaucoup d’autres – et à les soutenir dans leur talents plutôt qu’à se lamenter sur leurs soi-disant échecs.
Bref, il est temps de renoncer à ces postures morbides et de parier sur nos talents. Puissent les forces politiques et sociales dominantes s’en saisir avant de perdre le peu de crédibilité qui leur restent. Que cela ne vous empêche pas de passer une belle fin d’année, mais vivement qu’on en finisse (avec 2012) !
PS : Un mot encore : une syndicaliste d’Areva que je connais bien, toute entière dévouée à la fois à son comité d’entreprise européen mais aussi à son entreprise, vient de se faire agresser dans des circonstances d’une violence inouïe et que l’on croyait révolue. Qu’elle trouve ici l’expression de notre sympathie et de notre soutien pour une cause – un dialogue social à la fois responsable et transnational – qui a besoin d’éclaireuses et d’éclaireurs comme elle.
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