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Alors que la Commission, comme les Etats membres, ont délaissé la dimension sociale de l’Union, voire l’ont parfois retournée contre les citoyens au travers des programmes d’austérité, le Parlement Européen vient d’adopter le 15 janvier dernier à Strasbourg une résolution en vue d’une législation européenne qui pourrait modifier la donne dans nos règles de conduite des restructurations.

 

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S’appuyant sur ses nouvelles compétences issues du traité de Lisbonne qui obligent la Commission à prendre en considération une résolution et à y répondre sous un délai de trois mois, le Parlement a adopté à une majorité écrasante (503 voix pour, 107 contre) une série de 14 recommandations qui visent à mieux anticiper et gérer les restructurations d’entreprises.

Bien accueillies par les milieux syndicaux et stigmatisées par les organisations patronales, celles-ci établissent un cadre nouveau à la fois pour les entreprises et pour les Etats. Ces recommandations vont de la préparation des opérations de restructuration le plus en amont possible à une forte incitation à l’adaptabilité et à l’employabilité des personnes, en passant par des mécanismes sur le rachat éventuel de l’entreprise en cas de fermeture, l’élaboration d’un plan social, sans oublier l’obligation fondamentale de justifier les décisions, d’informer et de consulter les parties prenantes et de les encourager fortement à la négociation. Les autorités publiques sont elles priées de mettre en place des mécanismes d’aide et de soutien sur les besoins pluriannuels en main d’œuvre et en compétences, en particulier dans les régions le plus touchées par les mutations économiques. Elles sont incitées à mobiliser au mieux les fonds disponibles (fonds social européen, Feder, fonds d’ajustement à la mondialisation) mais aussi à mettre en place des sanctions aux fins de priver les entreprises ne respectant pas leurs obligations de toute subvention publique nationale ou communautaire.

Pour un œil français, allemand ou belge, ce texte du Parlement européen – qui reprend plusieurs des suggestions faites par le réseau européen IRENE-HIRES – animé par l’association ASTREES – n’est pas en soi très révolutionnaire. Mais ses incidences pourraient, si la Commission se décide enfin à agir, être plus nombreuses qu’on ne le croit. Ainsi, le champ de la directive demandée par le Parlement est novateur car il couvre non seulement les entreprises privées et publiques mais aussi les groupes d’entreprises ainsi que les entreprises se trouvant dans une situation de dépendance à l’égard des entreprises générales pour cause de sous-traitance, de contrats de fourniture ou autres motifs : ceci constitue une véritable nouveauté dans la plupart des Etats membres. Par ailleurs, la notion de restructuration devient globale. Le texte adopté introduit aussi et pour la première fois la nécessité d’un suivi et d’une surveillance pour éviter ou limiter les effets négatifs des restructurations sur la santé physique et psychosociale des travailleurs touchés. Enfin, en s’appuyant sur le concept de responsabilité sociétale, il étend les processus de dialogue et de concertation aux « parties prenantes » et oblige l’entreprise à faire « sortir » la question des réorganisations de son espace interne.

La Commission a désormais trois mois pour répondre à cette résolution. Saura-t-elle sortir de son attitude de laisser faire, laisser aller devenue si fréquente ces dernières années pour prendre enfin ses responsabilités sociales au sérieux ?

Lire la résolution intégrale du PE

 

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