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danielle kaisergruber

L’Europe des 28 pays est depuis 1989, et plus encore depuis l’adhésion à l’Union européenne des Pays d’Europe Centrale et Orientale, un terrain de jeu pour les grandes entreprises occidentales, voire mondiales. La puissance industrielle allemande doit beaucoup aux usines situées en Hongrie, République Tchèque ou Slovaquie. Et en Pologne. Les échanges économiques intra-européens ont pris une place essentielle. C’est peut-être même pour cela que l’entrée de ces nouveaux pays dans l’Union fut si précipitée.

L’Europe est un espace de « libre circulation », de mobilité des personnes, de ceux qui travaillent : les artisans, les auto-entrepreneurs, les « travailleurs détachés  Metis », les saisonniers. Cela ne va sans contradictions et sans générer des besoins de régulation et de contrôle des règles du jeu.

C’est un territoire pour les jeunes qui, pour leurs études (les échanges Erasmus et autres qui sont un succès), pour leurs voyages, vont de Lisbonne à Prague, de Barcelone à Stockholm pour un week end, pour six mois ou pour un an. Eux se sont approprié l’Europe. Y compris ceux qui trouvent plus facilement un premier job à Londres qu’à Marseille. Ce sont aussi les jeunes diplômés espagnols ou portugais qui vont commencer leur vie professionnelle en Allemagne ou en France. Reviendront-ils dans leur pays ?

L’Europe est un continent de migrations, d’espoirs parfois un peu vagues d’une nouvelle vie pour ceux qui sont contraints de quitter leur pays d’origine. Traversée désordonnée de différentes frontières, errances difficiles au gré des changements de politique des Etats-Nations qui ne se coordonnent pas, contournement des frontières réputées fermées ou sur le point de se fermer par des parcours extravagants qui mènent des groupes de réfugiés dans l’extrême nord de la Russie pour revenir aux Pays-Bas.

L’Europe devient chaque jour un peu plus un terrain de jeu pour les terroristes qui y circulent à l’aise et font peser la même menace dans tous les pays. Le continent européen n’est-il pas qualifié dans différents textes de revendication des attentats de « ventre mou de l’Occident »…

L’Europe est un territoire vivant, parcouru, vécu. Une géographie humaine. Mais alors que les trajectoires des différents pays étaient sur un chemin de convergence, la crise de 2008 et la longue période de faible croissance, d’austérité budgétaire dans certains Etats, a fabriqué de grands écarts, des divergences fortes en terme de niveau de vie, de taux de chômage, d’insertion des jeunes et particulièrement de ceux issus de l’immigration postcoloniale. A l’intérieur de chaque pays, les écarts entre les centres urbains en plein développement et les zones rurales ou anciennement industrielles s’accroissent durement. De nombreux chantiers sociaux se poursuivent : sur les questions de sécurité au travail, sur la négociation collective et la représentation européenne des salariés. Ils ne suffisent cependant pas à effacer la mauvaise image des institutions européennes accusées de bien des maux, dont parfois ceux qui sont dus aux politiques nationales, il est si facile d’avoir un personnage qui joue l’Excuse du jeu de tarot !

L’Europe est une géographie, elle a une histoire en partie faite de guerres et de traités – et dont l’existence des institutions européennes a fait un espace de paix et stabilité. Alors que lui manque-t-il ? Juste une tête. Pas au sens d’un Etat fédéral : l’Union Européenne est un ensemble d’Etats-Nations, mais aussi un ensemble qui mérite des frontières et qui mérite d’être défendu. Une « tête », c’est-à-dire une stratégie et des projets communs.

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.