Deux choses que nous faisons tous dans la vie ordinaire. Et tous les jours, et tout au long de la vie. Avec bien sûr des dominantes : apprendre en travaillant ou travailler pour apprendre lorsque l’on est élève ou étudiant. Travailler sans apprendre lorsque l’on exerce un métier répétitif. Ou un travail que l’on n’aime pas ou plus, et dont on aurait plutôt envie de se débarrasser (penser au refus de l’âge de départ en retraite à 64 ans). Ou bien apprendre en ayant un emploi, en travaillant, parce que chaque jour il y a des situations nouvelles, des problèmes nouveaux à résoudre. Ou parce que l’entreprise dans laquelle on travaille s’est organisée pour être apprenante, pour favoriser les occasions d’apprendre par la mobilité, par la prise de responsabilité, par le dialogue aussi.
Avec le développement formidable de l’apprentissage, avec le développement de toutes les formes d’alternance, de plus en plus de jeunes connaissent des séquences, des moments de travail pendant leur vie d’élève ou d’étudiant. Sans compter que les débuts de vie professionnelle sont fréquemment une succession de situations différentes mêlant stages, CDD, service civique. Florence Lefresne le souligne dans la Préface du livre qui présente les derniers résultats de l’Enquête Generations (voir dans Metis « Insertion des jeunes : embellie passagère ou vrai tournant ? », entretien de Jean Louis Dayan avec Thomas Couppié et Eva Personnaz).
Pourquoi alors que ces constats et analyses sont si nombreux, les idées demeurent en France figées sur des débats d’un autre temps ? On n’apprendrait bien qu’en situation scolaire ou de formation classique ? Dans le travail, on exécute, on applique, on traduit ce que l’on a appris par ailleurs.
Lors de la table ronde organisée par Metis avec Jean-Marie Luttringer, Jean-Raymond Masson et Jean-Louis Dayan, l’idée est apparue que cette vision « séparatrice » (formation d’un côté, travail de l’autre) ressemblait fort au débat sur la laïcité à l’école, l’école doit être sanctuarisée, et protégée de toutes les influences, dont celle qui ne saurait être que pernicieuse de l’entreprise et du monde du travail.
Or l’urgent, face au besoin de compétences nouvelles, face à un formidable besoin de montée générale en niveau de qualification pour être à l’aise dans les transitions numériques, écologiques et de société, est de faire de toutes les occasions de la vie une occasion d’apprendre et de s’approprier ce que l’on a appris. C’est notamment l’ambition des Actions de formations en situations de travail (AFEST).
Dans les situations d’apprentissage, et plus généralement d’alternance, cela signifie faire vivre les relations entre les lieux et organismes de formation et les entreprises où sont les apprentis, les stagiaires, les jeunes en immersion. Et bien au-delà de la « visite de courtoisie » qu’évoquait Jean-Claude Bellanger lors de son entretien avec Jean-Raymond Masson pour Metis.
Cela signifie faire vivre dans les Campus des Métiers, dans les Universités, les relations avec leurs responsables, mais aussi avec ceux qui exercent la fonction de tuteurs.
Cela signifie mieux accompagner les parcours des jeunes de tous niveaux et de toutes spécialités dans leurs premières années de vie professionnelle, valider que l’orientation qu’ils ont choisie est bien la bonne, ou sinon qu’ils puissent en changer. Les aider à capitaliser ce qu’ils apprennent chaque jour, et pas seulement lors d’un entretien annuel rituel. Faciliter leur retour à des études si besoin est. Les exemples de pays qui, comme la Finlande, ont supprimé la distinction entre formation professionnelle initiale et formation professionnelle continue, ou qui comme la Suède, permettent le suivi de cursus universitaires à n’importe quel âge, sont riches d’enseignements.
Apprendre et travailler sont en partie liés, il n’y a que des bénéfices à attendre si on les conjugue mieux, si on les fait entrer en résonance, en renonçant à des débats idéologiques d’un autre temps.
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