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par Dominique Martinez

Entretien avec Kerstin Ahlberg, juriste suédoise, sur le Livre vert « Moderniser le droit du travail »

Cette consultation a-t-elle suscité un débat entre les différents acteurs du monde du travail ?

Non. Les médias l’ont presque passé sous silence. Cela ne veut pas dire que son contenu n’était pas controversé, mais plutôt que ce n’était pas vu comme un document important, comme si cette consultation ne pouvait que déboucher sur peu de résultats.

Qui a répondu ?

Le gouvernement, le Parlement suédois et les trois grandes confédérations syndicales : la confédération syndicale suédoise (LO), la confédération suédoise des cadres, fonctionnaires et employés (TCO) et la confédération suédoise des associations professionnelles (SACO). La confédération des entreprises suédoises (SAF) a soumis ses commentaires à BusinessEurope au lieu de répondre directement à la Commission.

Qu’est-ce qu'il en ressort ?

Les réponses ont des traits communs : le droit du travail est un problème pour les pays membres et toute nouvelle initiative législative européenne dans le champ du droit du travail est rejetée quasi unanimement. Elles pointent aussi qu’un élément essentiel du système suédois est que les partenaires sociaux régulent les conditions du marché du travail avec des accords collectifs qui complètent et parfois, remplacent la loi, et que ce système est bien adapté aux besoins spécifiques des secteurs. Le gouvernement ne voit pas le besoin d’une réforme du droit du travail au niveau communautaire. Il faudrait plutôt améliorer l’efficacité des règles existantes, avancer sur les directives déjà présentées comme celle concernant le temps de travail ou simplifier certaines directives existantes. Le Parlement considère qu’il y a un consensus politique en Suède pour une régulation par les accords collectifs et que toute initiative communautaire en matière de droit du travail doit laisser les Etats membres libres de recourir à cette forme de régulation, soit de façon exclusive soit avec des lois.

Quelles sont les positions des partenaires sociaux ?

Les confédérations syndicales regrettent que le livre vert ne traite que des droits individuels et non des droits du travail collectifs comme le droit collectif à la négociation collective, celui à l’information et à la consultation des salariés, ceux-ci jouant un rôle fondamental dans l’affirmation des droits individuels et rendant la flexibilité possible dans les situations de transition. Elles rejettent l’idée qu’il faut rendre plus « flexibles » les garanties de l’emploi. Si elles reconnaissent les problèmes liés à leur évolution, elles estiment qu’il ne faut pas uniformiser le salariat ni introduire une catégorie intermédiaire entre salariés et travailleurs indépendants. LO et SACO voient également un besoin de simplification et d’homogénéisation des règles en ce qui concerne l’information, la participation et la consultation des droits des travailleurs dans les entreprises transnationales.
L’opposant majeur à une législation européenne est la SAF, la confédération des entreprises suédoises. Pour les employeurs, le manque de réactivité au changement a été créé au niveau national, il ne peut donc se régler qu’à ce niveau-là. Les vrais outsiders sont les chômeurs, non les travailleurs avec des contrats atypiques. L’approche du livre vert serait donc un obstacle à la mobilité sur le marché du travail qui se segmenterait avec, d’un côté, ceux qui ont un emploi et de l’autre, ceux qui en cherchent un.

Propos recueillis par Dominique Martinez

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