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H Vacquin

Il est moins risqué de se livrer à cet exercice en plein été qu’au mois d’octobre, tant en France, les comportements sociaux et sociétaux ont la caractéristique d’être très imprévisibles. Il n’est pas inutile de s’y hasarder tout de même car la période est constituée de toute une série de variables nouvelles qui rendent, sur plusieurs sujets clés, l’exercice intéressant. Citons la présidence française de l’Union européenne, la stratégie Elyséo-gouvernementale de réforme, dont celle qui vise à la refondation sociale, la privatisation de la Poste et ce que personne ne mesure à force de ne regarder la conflictualité que secteur par secteur, ce qui a trait à l’acceptation sociétale du renchérissement du coût de l’énergie, de l’agroalimentaire, du logement… Tout dépend aussi de la « manière » qu’empruntera un libéralisme sarkozien dont on ne connait pas encore bien la tête .

Un envoûtement idéologique néolibéral

Versant réformes de la refondation sociale, la première année n’était pas nulle. Les négociations entre patronats et syndicats et l’enjeu symbolique par excellence des régimes spéciaux, avaient bel et bien donné les signes notables de saines évolutions tant patronales, syndicales que gouvernementales. Il y avait pourtant un ver dans le fruit. En l’occurrence le piège, et en même temps manipulation gouvernementale, d’avoir mêlé dans le cahier des charges représentativité et temps de travail. Le « numéro » qui consiste à invoquer la supériorité de la légitimité politique sur celle des acteurs sociaux, tout en manifestant un déni de reconnaissance des corps intermédiaires patronaux et syndicaux, est à l’évidence un pas de clerc et plus vraisemblablement un symptôme lourd d’envoûtement idéologique néolibéral.

Rien de tel pour réveiller en notre syndicalisme, à peine en début de mutation, la bonne vieille diabolisation de la droite. Rien qui puisse favoriser une confiance plus nécessaire que jamais au règlement des très complexes chantiers qui sont devant nous. De plus, au moment même où le président de la république prend la présidence européenne, n’affirme-t il pas la négation d’une possible Europe sociale en prétendant le sujet exclusivement national ? Ceci ne peut être indifférent à la CFDT, la CGT, FO et l’Unsa, toutes quatre membres d’une CES qui s’évertue à tenter d’ouvrir justement un espace social européen. Enfin, cerise sur le gateau de la maladresse ou de la provocation, le président ne déclare-t-il pas la conflictualité comme restant inaperçue de l’opinion publique ? Dans le genre : « messieurs les syndicalistes, vous ne m’inquiétez pas, vous pouvez descendre dans la rue autant que vous voulez ».

Alors, on va tenter d’inventer une charte de la négociation, genre accord de méthode tripartite où, au fil des avancées des négociations entre patronats et syndicats, on observera, faute d’avoir été suffisament clair dans le cahier des charges gouvernemental initial, comment on le précise en marchant. Une manière, faute de confiance en soi sur la formulation des objectifs politiques, d’inventer des objectifs à géométrie variable, en fonction des évènements et des pulsions d’adrénaline de la majorité.

Une cristallisation des tensions

Alors, la rentrée sociale ?… Et bien, partant des contrariétés infligées à la CFDT et à la CGT, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles n’inciteront pas à la tendresse vis à vis du gouvernement. La privatisation de la Poste, les réductions d’effectifs à l’éducation nationale, indépendamment des retraites, des seniors et autres thèmes de négociation à venir, le gouvernement devrait de ne pas trop compter sur la multiplicité des réformes pour maintenir une conflictualité éclatée qui évite toute cristallisation des mécontentements comme il a réussi à le faire jusqu’à présent. La cristallisation des tensions éparses peut en effet s’opérer par le biais d’une toute autre source mais qui touche tout le monde : le pouvoir d’achat. Plus que les fins de mois de plus en plus difficiles des plus démunis, ce sont les fins de mois beaucoup moins difficiles des initiés, des détenteurs de parachutes dorés, des patrons voyous, des fonds de pensions insatiables et des dirigeants excessivement rémunérés qui cristallisent les mécontentements. Qui plus est, dans un contexte de croissance nulle, voire de récession. Il y a là une montée en puissance d’une sorte de grogne d’injustice qui peut, beaucoup plus facilement que le sujet des retraites et de la privatisation de la Poste, faire des barouds du type de ce que personne en France ne prévoit jamais. Alors la rentrée pourrait être beaucoup plus sociétale que simplement sociale.

La situtaion économique et sociale se détériore également outre-atlantique et au sein de l’Union. Nous avons souhaité regarder de plus près ce qui se joue aux Etats Unis où d’aucuns semblent penser que le tout libéral  atteint ses limites et en Grande Bretagne où les marges de manoeuvre semblent bien étroites.

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