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Alors qu’à l’évidence la crise s’est installée pour durer dans de nombreux pays européens, que la croissance sera au mieux molle et la création d’emplois faible, alors que les finances publiques sont mal en point, les ravages du chômage ne cessent de s’étendre. Il y va d’un vrai contrat d’avenir, d’un vrai contrat de générations ! « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé disait François Mitterrand il y a tout juste 20 ans ! Mais est-ce si sûr ?

 

Si l’on veut parler d’économie et d’activité – et si l’on veut bien laisser aux medias cette malheureuse question des nationalisations des industries du passé – les efforts faits depuis quelques années sont significatifs : pôles de compétitivité, constitution de filières, amélioration des relations de sous-traitance etc.. Et pourtant nous sommes encore loin du souhaitable ou même du faisable ! Pôles trop nombreux et trop clientélistes, constitution de filières encore largement incantatoire ou réduite à des comités Théodule, relations de sous-traitance qui continuent à favoriser le moins (moindre coût, moindre collaboration, contrats courts) au détriment du mieux (contrats longs, gestion mutualisée de ressources, information et innovation partagées). Il y a ici une responsabilité conjointe des pouvoirs publics, mais aussi des grands groupes et des organisations patronales. Quant aux alliances européennes, peut-on encore espérer ? Entre la vision néolibérale de la Commission et l’égoïsme des Etats membres, une politique industrielle commune reste à inventer. Bref, nous n’avons pas tout essayé, loin s’en faut !

Un mot sur le management. Selon les contrées, la crise du travail est inégale et les manières d’y faire face sont différenciées. Mais dans certains pays, la crise est sévère. Or la force du management à l’européenne réside essentiellement dans sa dimension RH ou, si l’on retient un vocabulaire plus contemporain, dans une certaine responsabilité sociale. Le problème est que la dernière décennie a connu une érosion significative du modèle qu’illustrent largement la montée en charge des risques s psycho sociaux, la financiarisation des indicateurs et une distance managériale inouïe par rapport au travail. Il s’agit moins de faire je ne sais quel plan d’action contre les RPS que de reprendre les basiques du management, à commencer par la proximité, l’écoute, la capacité à communiquer, à mobiliser, à se projeter. Défiance et performance font rarement bon ménage. A quand sur ce champ là aussi réorientations et autres innovations salutaires ?

Le social enfin. Les dernières années ont été marquées par une vraie stagnation dans trois domaines au moins : celui de l’employabilité, celui de la gouvernance, celui enfin de la relation entre le sommet et la base. L’employabilité : comment ne pas se scandaliser que des générations entières d’ouvrières et d’ouvriers (le plus souvent) voient après des années de travail leurs savoirs et savoirs faire négligés, dégradés et, en ces matières, la préparation du lendemain sans cesse remise… au lendemain ! Il est temps sur ces questions de secouer le cocotier, de se donner des obligations de résultats, d’en finir avec un système éducatif gouverné par l’échec, de créer l’appétence à la formation et à la qualification. D’autres pays, du Danemark à l’Allemagne en passant par le Royaume-Uni ont réussi à le faire, alors pourquoi pas d’autres ? Saurons-nous, au passage, profiter de la réduction forcée du temps de travail qui se profile du fait de la crise, pour insérer un véritable temps de formation et d’éducation ?

La gouvernance : trop de conseils d’administrations et d’organes de direction restent consanguins et fermés aux principales parties prenantes, trop de comités d’entreprise ne connaissent que des consultations réduites à une formalité, trop de concertations masquent mal des processus unilatéraux. L’écart s’est agrandi entre les discours sur responsabilité et parties prenantes de l’entreprise, et les schémas de gouvernance qui continent à les en exclure. Certes de petits pas viennent d’être faits, comme en France par le dernier accord national interprofessionnel. Mais il en faudrait beaucoup plus pour que les choses changent. Comme le dit assez bien l’ancien patron d’EADS, Louis Gallois, l’entreprise est un bien commun. Elle n’appartient pas aux actionnaires qui n’en détiennent que le capital, c’est beaucoup mais ce n’est pas tout. Il a du boulot, M. Gallois. Last but not least, s’il faut modifier des choses par le haut, il importe aussi de le faire par le bas. De nombreux pays, au Sud – dont la France – ou à l’Est, restent enfermés dans des systèmes de décision et de participation très descendants. Or tout indique aujourd’hui que les travailleurs de la base sont beaucoup plus porteurs d’améliorations et de changements que le sommet. Il y va ici de la libération de la parole, mais aussi et surtout des énergies, des créativités qui ne demandent qu’à se déployer et partant, il y va de notre fameuse compétitivité.

Dans ces conditions, avons-nous vraiment tout essayé ?

 

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