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Et de trois ! Après les accords interprofessionnels sur la sécurisation de l’emploi d’une part, sur la qualité de la vie au travail de l‘autre, l’année 2013 s’achève en France par un projet d’accord réformant la formation professionnelle continue. Parmi moultes innovations, la moindre n’est pas celle du compte personnel de formation dont seront dotés salariés et chômeurs : lié aux individus et non à l’entreprise qui les emploie, il devrait être « portable » tout au long de la vie. S’il est bien trop tôt pour commenter plus avant ce texte par ailleurs controversé à l’intérieur du monde patronal comme du monde syndical -nous y reviendrons au début de l’année qui vient – profitons-en pour réfléchir à quelques grands défis de la formation tout au long de la vie.

 

L’accès pour tous
S’agissant du taux de participation des salariés français aux actions de formation continue, la France, avec un taux avoisinant les 45%, s’en sort globalement plutôt bien. Et dans des proportions seulement dépassées par le Luxembourg, la Suède et la République Tchèque ! En d’autres termes elle fait mieux ici que l’Allemagne mais aussi que le Danemark, les Pays Bas ou le Royaume Uni. Mais il y a un grand MAIS. Il y a quelques semaines le fameux classement PISA est tombé et la France y révèle un système d’éducation initiale le plus inégalitaire du monde industrialisé ! Alors que certains pays – Allemagne, Italie, Pologne, Portugal ou Turquie – ont su depuis dix ans améliorer l’équité sociale de leur système scolaire, la France a laissé dériver le sien et ne compte plus le nombre de ses « décrocheurs ». Or le souci est qu’il en va de même pour la formation continue qui bénéficie beaucoup aux plus qualifiés et beaucoup moins aux autres. La logique de « mobilisation » des acteurs inscrite dans le projet d’accord est-elle à même de modifier la donne ? On l’espère mais on en doute encore, tant il faudrait de volontarisme pour modifier une trajectoire aussi prégnante.

L’adaptation et la promotion
Le système français reposait jusque-là sur un double objectif : celui d’une meilleure adaptation des salariés aux besoins et aux évolutions du travail et des entreprises et celui d’une vertu « progressiste » de la formation, vecteur de promotion sociale, interne ou externe. Or à la différence de ses homologues d’outre Rhin, des pays nordiques mais aussi des pays d’Europe centrale, il reste médiocrement qualifiant. On s’adapte sans se qualifier plus et ce, malgré de multiples réformes antérieures sur les titres professionnels, la validation des acquis de l’expérience et j’en passe. La fameuse employabilité en souffre beaucoup : il suffit d’observer ce qui se passe lors de restructurations et de plans sociaux pour constater combien nombreux sont ceux (et surtout celles) qui restent à l‘écart de toute adaptation et requalification substantielle. Le projet d’accord du 14 décembre veut relever ce défi ? Prenons en acte tout en les attendant ! Quant à la promotion sociale, la formation n’en est bien évidemment qu’un des facteurs. Mais il l’est d’autant plus si la formation s’inscrit à la fois dans des systèmes ouverts et ascensionnels. Là encore les blocages français sont pléthoriques et le discours peu attrayant : se former pour ne pas choir ? Bof ! Se former pour progresser ? Nettement mieux !

 

L’envie
Entreprises, salariés, chômeurs : les injonctions à se former sont multiples et, souvent fondées. Pourtant, l’envie et l’incitation importent au moins autant. Là encore le lien avec la formation initiale pèse. L’image de l’école – et pour certains, celle des échecs – pèse. Le compte personnel de formation veut faire des personnes des acteurs enfin majeurs de leur formation. Sera-ce suffisant ? Comment celles qui jusqu’à présent ne s’en emparaient pas – les moins qualifiées, les plus précaires, les plus âgées, les moins « blanches » – vont-elles changer de posture alors que la grande habitude hexagonale est celle d’élites qui pensent et font « pour » beaucoup plus qu’ « avec » ? Des expériences comme celle des learning reps britanniques devraient nous faire réfléchir …

 

La cohérence
L’on ne peut attendre d’un accord, d’un texte sur la formation professionnelle qu’il résolve tous les maux d’un pays, cela va de soi. Mais par contre il peut y contribuer. D’autant que beaucoup reste à faire. Les passerelles entre les systèmes initiaux et continus sont, hormis l’apprentissage et l’alternance qui ont remarquablement progressé ces dernières années, encore ténues. Il en va de même des échanges d’expériences entre les deux systèmes : il faut ici souligner combien la formation initiale, des élèves comme des formateurs, gagnerait à s’inspirer de pédagogies autrement plus actives. Ne prenons qu’un seul exemple : quand la majorité des salles de formation continue sont disposées en « U » ou en rectangle alors que du côté du système scolaire c’est toujours l’organisation en « salles de classe » qui prédomine, on comprend vite les progrès à réaliser !

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces réformes d’une formation devenue aujourd’hui indispensable à un travail qui change et se réorganise sans cesse. Espérons juste que les efforts des uns et des autres s’inscriront dans une durée et une cohérence suffisamment importantes pour produire des effets. Espérons aussi que l’on évoluera, dès le système initial, vers une implication et un « empowerment » beaucoup plus significatif des individus. Il y a là une clé fondamentale pour la réussite de tous et de chacun. En ce domaine l’éducation peut beaucoup même si elle ne peut pas tout.

 

Sur ce, bonnes et joyeuses fêtes à toutes et à tous. Metis vous retrouvera en janvier avec un dossier sur… le bonheur au travail !

 

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