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L’avenir et les mots pour le dire… Ou plus exactement l’absence de ces mots. Voilà ce qui pourrait caractériser une bonne partie du discours politique contemporain, quelle que soit la force politique au pouvoir. Cette vacuité peut avoir des causes très diverses : le flou du projet des gouvernants, le je m’en foutisme d’une élite prisonnière de son entre-soi comme des communicants qui l‘accompagnement, la dictature d’un court terme électoral et sondagier. Mais peut-être aussi une certaine forme d’anomie, une incapacité à nommer les choses qui les dépassent. Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement dit un dicton fort ancien. Et c’est bien ici que le bât blesse et que se fait le lit de celles et ceux qui parlent clair à défaut de parler juste.

 

Prenons trois exemples : l’allemand, le français et l‘européen. Deutschland über alles, l’Allemagne au-dessus de tout : tel est l’hymne national de nos voisins d’outre Rhin dont la mélodie a été composée par Josef Haydn. Il ne résonne pas ces jours comme au temps des nazis qui pensaient les Allemands foncièrement supérieurs aux autres. Mais comme ces créateurs du 19ème siècle qui  mettaient l’Allemagne, en ces temps où elle n’était pas unie et relevait d’une foultitude d’entités et autres féodalités, au-dessus de toute cette dispersion. La voilà donc aujourd’hui forte de tous ses succès économiques, politiques, diplomatiques et… footballistiques. Ces succès, en dépit de fragilités avérées, suscitent jalousies et irritations. Il n’est pas illégitime de demander à ce pays d’être un peu moins égoïste mais lequel de nos pays ne l’est pas ?. Il est vain d’en vouloir à sa force, celle qui réside sans doute dans une sorte de cohérence globale, économique, sociale et politique. Or, c’est précisément ce qui fait le plus défaut aux autres Etats, à commencer par son voisin hexagonal.

 

Pour ce qui concerne la France, c’est l’inverse qui frappe et un grand sentiment d’incohérence qui prédomine. Incohérence d’un système politique qui cultive l’entre-soi à l’excès, tout en se lamentant de la montée des extrêmes, celle d’un gouvernement incapable de se faire entendre, mais décidé à de grandes réformes – comme celle des territoires – décrétées en petit comité, puis énoncées jusqu’à la caricature de la manière la plus technocratique qui soit. Incohérence d’une économie qui a tant joué sur la défensive qu’elle se trouve aujourd’hui gravement incapable de rebondir et de saisir les opportunités d’un monde qui, pour le meilleur comme pour le pire, ne cesse d’avancer. Incohérence d’un système social à bout de souffle lui aussi, sommé de couvrir ce que l’économie défaillante n’a pas réussi à offrir, procédant par rafistolages successifs, faute d‘avoir repensé les conditions de sa viabilité future. Tout cela tire furieusement à hue et à dia. Il n’y a pas, à gauche comme à droite, cette convergence et ce sens commun qui permettraient au pays de rebondir et à ses citoyens d’en être acteurs. Il n’y pas non plus ces mots qui font si cruellement défaut, ce récit engagé et partagé qui nous permettrait d’y croire.

 

Quant à l’Europe, elle sort d’une décennie ratée. L’élection du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission Européenne est-elle de nature à changer les choses et à rendre à l’Europe une direction qu’elle  semble avoir perdue avec Jose Barroso ? Un vieux cheval (politique) luxembourgeois est-il à même de rendre une âme à cet ensemble qui a voulu se nommer Union Européenne ? Difficile d’en juger tant que le reste de la Commission n’aura pas été désigné et surtout qu’un nouveau compromis n’aura pas été forgé entre les Etats membres et les organes communautaires chargés du bien commun que sont la Commission ou le Parlement (pour ne pas parler de la BCE..). Là encore, l’incohérence est au rendez-vous et, avec elle, le déficit de mots. Tant que Bruxelles ne saura pas parler aux citoyens – et ça fait un bout de temps que ça dure -,  il y aura là non seulement un signe fort de sa fragilité démocratique mais surtout le symptôme d’un projet qui se fourvoie par excès comme par défauts. Sachons reconnaitre à l’ancien premier ministre du Grand-Duché des qualités rares, quoique insuffisantes à elle seules : une connaissance des autres, à commencer par ses voisins belges, néerlandais, allemands et français, son franc parler et un certain talent pour trouver des mots pour le dire. Le reste, c’est-à-dire le projet, est entre nos mains.

 

Sur ce, bel été à tous et à toutes. Metis vous retrouvera dès la rentrée avec un dossier sur l’éducation et le travail des enseignants.

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