Sera-t-on étonné qu’un grand flou règne en ce domaine ? Il existe une classification internationale du handicap : « terme générique pour les déficiences, les limitations de l’activité et les restrictions à la participation ». L’OMS a travaillé à produire un contenu consensuel de ces notions mais les marges d’interprétation restent importantes selon le degré de développement des systèmes sanitaires et d’accompagnement social. De plus, l’identification des personnes handicapées dépend largement, non pas de filières incontournables d’enregistrement administratif, mais de déclarations faites par la personne elle-même ou par son entourage. Qui ne veut pas se déclarer handicapé n’est pas compté comme tel.
Quoi qu’il en soit de ces incertitudes, des données chiffrées existent pour la France et il est vain de s’interroger sur leur caractère éventuellement incomplet. On peut simplement les inventorier en se rappelant qu’elles émanent de diverses sources administratives, sont collectées à des dates différentes avec des périodicités différentes sur des échantillons hétérogènes. Elles permettent de caractériser cette population par rapport à la population valide.
Combien de personnes handicapées ? à quels âges ? avec quels diplômes ?
Les recoupements permettent d’estimer à 9,9 millions les « handicapés au sens large » (on appréciera la précision de la décimale…) et à 2.510.000 les « handicapés bénéficiant d’une reconnaissance administrative ». Contrairement à ce qu’on peut penser spontanément, il n’y a pas de différence marquée entre hommes et femmes quel que soit l’âge mais il y a une forte différence par tranche d’âge, le pourcentage de population handicapée s’accroissant de manière très marquée à partir de 50 ans.
S’agissant de l’accès à l’emploi, le niveau de formation est un déterminant crucial. La population handicapée, reconnue administrativement ou non, est nettement moins diplômée que la population totale : 82% a le BEPC, un diplôme inférieur ou aucun diplôme contre 59% de l’ensemble des 15/64 ans. Les bénéficiaires d’une « Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé » (RQTH) sont 81% à être au niveau CAP/BEP et en dessous contre 50% pour la population totale).
Les reconnaissances administratives
Ces reconnaissances sont de plusieurs ordres et une même personne peut bénéficier de multiples reconnaissances : RQTH, Allocation adulte handicapé (AAH), pension d’invalidité civile et/ou militaire. Il n’est donc pas possible de totaliser ces différentes données qui indiquent les ordres de grandeur des populations touchées. Ces différentes reconnaissances évoluent dans les sens suivants :
– RQTH : hausse régulière
– AAH : hausse en accélération
– Accidents du travail : baisse régulière
– Maladies professionnelles : légère hausse
– Pensions d’invalidité civile : hausse régulière
– Pensions militaires d’invalidité : baisse régulière.
Les différentes sources concordent pour indiquer que la population handicapée bénéficiant de reconnaissance administrative est plus lourdement atteinte que la population handicapée au sens large.
L’activité
Les personnes handicapées de 15 à 64 ans bénéficiant d’une reconnaissance administrative ont un faible taux d’activité : 46% contre 70% pour l’ensemble de la population. Pour ceux qui sont handicapés au sens large le taux d’activité monte à 61%.
*Ces chiffres, déjà ancien, sont les derniers publiés par le ministère du travail. Il est reconnu que la dégradation de la situation économique depuis cette date a fortement augmenté le taux de chômage des personnes handicapées. Le plus souvent cité actuellement est de 22%, mais sa fiabilité est tout à fait sujette à caution
L’âge, la formation et l’emploi
La population handicapée inactive est nettement plus âgée que la population d’ensemble : 63% de plus de 50 ans contre 42% pour l’ensemble.
Les personnes handicapées au sens large en emploi représentent 20% de la population employée soit 5.250.000 personnes, 936.000 ayant une reconnaissance de travailleur handicapé. Ceux qui bénéficient d’une reconnaissance sont à la fois beaucoup plus masculins et beaucoup plus âgés que la population dans son ensemble.
Les handicapés employés bénéficiant d’une reconnaissance administrative sont donc plus masculins et plus âgés que la population d’ensemble. Il faut se rappeler que l’obtention de la RQTH présente un avantage à la fois pour la personne, mieux protégée par le code du travail et pouvant bénéficier d’aménagements spécifiques, et pour son employeur qui remplit ainsi une obligation légale. Ces avantages sont cependant contrebalancés par la crainte d’une stigmatisation ou, tout simplement, parce que la personne considère que l’affection dont elle est atteinte ne constitue pas un handicap dans l’exercice de son activité. Les handicapés au sens large en emploi ont la même répartition par sexe et sont plus âgés que la population d’ensemble.
Les handicapés employés bénéficiant d’une reconnaissance administrative sont massivement moins diplômés que dans l’ensemble de la population : 77% au niveau CAP et en-dessous, contre 54% dans l’ensemble de la population.
On observe un très fort clivage entre handicapés bénéficiant d’une reconnaissance administrative, handicapés au sens large et population d’ensemble : les bénéficiaires d’une reconnaissance administrative sont massivement sous représentés chez les cadres et professions intellectuelles supérieures et massivement sur représentés chez les ouvriers. Ceci recoupe tout à fait la répartition par niveau de qualification. Dernière remarque : 25% de ceux qui ont une reconnaissance administrative sont employés à temps partiel contre 16% dans la population d’ensemble.
Si on résume :
– Les entreprises françaises n’embauchent pas massivement. Quand elles se décident à le faire, le climat général les incitent à choisir des candidats supposés performants, donc valides.
– Cette recherche de la performance les conduit à rechercher des salariés aussi diplômés que possible. Le faible niveau de formation des travailleurs handicapés se révèlent ainsi un frein efficace à l’embauche.
– Les travailleurs handicapés sont fortement concentrés sur la fin de la vie active. On connaît la réticence de l’entreprise française devant le salarié âgé. Alors si celui-ci est en plus handicapé …
Handicapé, âgé, faiblement formé : le passeport pour l’emploi du T.H. n’est pas gagné.
Crédit image : CC/Flickr/Wels net
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