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triomphe

Le OXI des Grecs nous touche. Il en émeut certains, en irrite d’autres mais, quoique nous en pensions, il va influencer en profondeur la trajectoire de l’Union Européenne. Et ce, plus que le triple non français, néerlandais et irlandais en leur temps. Car ce non hellène a des implications de toutes natures : économiques, monétaires, financières, mais aussi voire surtout politiques, géopolitiques ou institutionnelles. Ukraine, migrations et désormais Grèce : en quelques mois, l’UE en est à son troisième échec en termes de capacité à faire face à des crises majeures. Son destin est-il désormais tracé ?

 

On peut penser ce que l’on veut de Tsipras , de ses provocations et de ses actes. Mais si l’on veut bien faire abstraction de ses slogans populistes, il a simplement donné à entendre ce que nombre d’économistes de tous bords s’échinaient à démontrer depuis le début: la dette grecque est insoutenable. Elle ne peut être remboursée en l’état et le régime d’austérité administré par la Troïka a plus affaibli qu’assaini le pays. Nul ne songe pourtant à contester l’immense besoin de réformes structurelles et la plupart des Grecs en conviennent aisément. En 1998, nous discutions avec des collègues hellènes sur un projet de session européenne autour des restructurations d’entreprises : ils nous disaient que ce sujet n’avait pas de pertinence chez eux et que le seul qui pouvait en avoir serait celui de la restructuration du pays tout entier… 17 ans après, nous y sommes ! Force est de constater que les deals noués en la matière par la (Katas)Troïka ont jusque là échoué, avec ou sans Tsipras. Le document mis en ligne par la Commission Européenne – et dont plusieurs dispositions violent ouvertement les droits sociaux fondamentaux – montre à quel point nous sommes dans une impasse. Et l’on peut d’ailleurs se demander si de telles méthodes ont vraiment réussi ailleurs : Irlande, Espagne, Portugal ou Italie. On ne réforme pas un pays, la Grèce pas plus que la France ou les autres, par décret : beaucoup ici devraient s’en souvenir !

 

La crise systémique de 2008 représentait une formidable opportunité pour revoir nos modèles économiques ou sociaux. Il n’en a rien été, ou presque. Le champ de l’orthodoxie néolibérale s’est même renforcé, et ce, largement du fait d’une social-démocratie qui a cessé de penser le monde, l’économique et le social. A partir du moment où la crise a été qualifiée de financière, la messe était dite. Il ne fut plus question que de replâtrage. Nous en percevons aujourd’hui les conséquences. Avec des tentations centrifuges qui n’ont jamais été aussi puissantes.

 

L’idée européenne a pris beaucoup de plomb dans l’aile : elle s’enferme dans la défensive et ne veut plus conquérir quoi que ce soit. Et, comme toute idée et toute institution, elle est mortelle. La manière dont nous répondrons au non grec va donc être déterminante. Au-delà de l’appartenance à l’euro, elle indiquera la capacité – ou non – de l’Europe à s’imaginer un avenir, à se donner un projet. Metis était la déesse qui personnifiait la sagesse et de l’intelligence rusée. Puisse-t-elle revenir inspirer peuples et dirigeants. Puisse-t-elle stimuler nos intelligences collectives et nos capacités à imaginer des solutions nouvelles. Les crises (encore un mot grec) furent maintes fois une occasion pour l’Europe de rebondir. Errare humanum est … Mais perseverare diabolicum !

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