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danielle kaisergruber

Stephan Zweig dans son livre Marie-Antoinette, dépeint Louis XVI comme un homme tout à fait ordinaire, sans idées ni passions, un peu balourd, qui aurait pu avoir une vie parfaite « s’il avait été boulanger ». Seulement voilà, il était roi. On a longtemps cru que la démocratie nous préservait de ces hérédités hasardeuses et fâcheuses. Mais pas vraiment. Plus encore, on se prend à douter de la solidité de la démocratie américaine et de ses si vieilles institutions. Mais attendons, les juges vont passer, et certains sont et seront vigilants. La société commence à bouger.

 

Une signature (avez-vous remarqué qu’elle est énorme et occupe presque une demi-page ! Spécialistes de graphologie à vos marques…) sur des décrets présidentiels et l’on obtient le « muslin ban » qui fait couler beaucoup d’encre et sortir les manifestants ; le retour à la case 2008 avec la re-dérégulation des banques et assurances. De quoi gonfler la bulle immobilière à nouveau, et les illusions de pouvoir d’achat qu’elle génère. De quoi encourager le « défaut de conseil » des banques qui vendent aux retraités (et autres) des produits à risque procurant la meilleure rémunération… pour les établissements eux-mêmes. Quant au basculement de la politique commerciale vers le nationalisme et le protectionnisme : « c’est une relance de la politique corporatiste, du jamais vu depuis l’Allemagne et l’Italie fascistes des années 1930 », écrit le Prix Nobel Edmund Phelps. (Le Monde, 26 janvier 2017 – Voir Metis, « Une vieille idée neuve : vivre de son travail ! » par Pierre Maréchal – 09 Juillet 2016)

Trump attaque l’Europe, l’Allemagne tout particulièrement qui peut beaucoup perdre avec la nouvelle politique commerciale américaine. Il proclame qu’il serait bien qu’elle se défasse, s’autodétruise. Persuadé en bon businessman que lorsqu’un concurrent éclate, il n’y a que de bonnes affaires à en tirer.

Mais où est l’Europe ? A Malte dans le magnifique port européen et très mondialisé de La Valette. Mais qui était à Malte ? Le Conseil européen présidé par le Polonais Donald Tusk (le seul dont les propos ont un peu passé les fortifications du port), les chefs d’Etat qui sont le vrai pouvoir, la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker, qui dit toujours « travailler » ?

Où est l’Europe ? On ne nous fera pas croire qu’il suffit de « relancer » l’idée d’une défense européenne pour que tout remarche (ça fait beaucoup de « re »…). J’ai toujours pensé que la construction d’une défense européenne était essentielle, mais l’axe principal en était la coopération France/Grande-Bretagne : il aurait fallu y penser avant ! Enfin pourquoi pas ?
Où est l’Europe : alors que de divers côtés monte la contestation d’une Europe hyper-libérale, engluée dans des dogmes budgétaires qu’elle est seule à vouloir maintenir à tout prix, régulièrement piégée dans une politique commerciale naïve et aveugle. Encombrée de tentations de replis nationalistes et de fermetures des frontières de chaque pays, bien lente à trouver les moyens communs et solidaires d’affronter la question dramatique des réfugiés.

Ce sont bien les règles du jeu socio-économique qu’il faut faire évoluer, et vite. Avec les deux dimensions : économique (la fiscalité, le financement des protections sociales et des charges des entreprises, les protections commerciales) et sociale (en particulier la circulation des salariés dans le cadre la Directive sur les travailleurs détachés censée « être en révision »).

Il n’est plus temps de réclamer « l’Europe sociale » en sautant comme un cabri syndical, « d’insister sur la dimension sociale » (Document du Sommet de Malte) ou de seulement « s’occuper de protéger les perdants de la mondialisation » (Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce). Il faut négocier de nouvelles règles économiques, commerciales et sociales et des sanctions pour les pays qui se comportent mal.

Où est la parole de l’Europe ? A l’heure du tout média et du règne des réseaux sociaux, seuls comptent les premiers mots prononcés (ou les premiers décrets pour celui qui a un pistolet chargé) : qu’ils soient adoucis, ou contredits, ou démentis, le monde, les gens n’en retiendront rien. A l’aune de cette forme de communication, l’Europe n’est pas prête pour la diplomatie du tweet ! Comme avant les deux premières guerres mondiales, à Bruxelles il est toujours urgent d’attendre… Les citoyens européens ont un besoin urgent d’entendre la parole de l’Europe, et de gestes forts : certains évoquent le refus d’accréditer l’Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Europe que voudrait désigner Trump. Pourquoi pas ? Les citoyens européens ont un urgent besoin d’action rapide : changer de stratégie commerciale avec la Chine qui devient un partenaire déterminant par exemple.

Europe, es-tu là ?

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.