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Tel est le nom de ces jobs à « 1 € » subventionnés par les pouvoirs publics en Allemagne au titre des réformes du marché du travail décidées sous Gerhard Schröder. Et avec les résultats contrastés que l’on sait : d’un côté un effet emploi non négligeable mais qui ne peut être dissocié d’un dynamisme plus général de l’économie allemande extérieur à ce type de réformes ; de l’autre, une économie voire une société duale permettant à l’Allemagne de pratiquer dans certains secteurs un dumping social que l’on croyait réservé à l’Est proche ou extrême ! Faut-il désormais promouvoir des sortes de mini jobs pour combattre le chômage endémique qui sévit en France comme dans la plupart des pays d’Europe du Sud ?

 

C’est ce que propose Pascal Lamy, ex patron de l’OMC. Pierre Gattaz patron du MEDEF, principale organisation d’employeurs, envisage lui un SMiC jeunes « temporaire », ce qui fait hurler toutes composantes confondues les ténors de la gauche mais aussi un certain nombre de responsables de droite pour ne pas parler de celle qui l’a précédé. Tout cela s’inscrit dans le registre de la « modération salariale » qui fut, là encore, une des caractéristiques de la période écoulée chez nos voisins d’outre Rhin.

 

Ces controverses risquent pourtant de masquer certaines choses. Ainsi s’agissant des jeunes, beaucoup d’entre eux sont déjà de facto rémunérés très en dessous du salaire minimum et cela via diverses techniques. Celle de l’empilement de nombreuses formes temporaires d’emploi et d’insertion, souvent discontinues qui, mises bout à bout et ramenées à l’année, sont bien loin d’atteindre ce fameux minimum. Celle des stages dont le nombre a explosé et qui, bien que mieux encadrés, constituent une forme de job sous rémunérée, devenue au fil du temps « normale ». Celle enfin des emplois à temps partiel qui, tout en respectant le SMIC horaire, sont loin voire, très loin, d’atteindre le minimum mensuel. Ajoutons à cela que les pénuries que connaissent des secteurs entiers de l’industrie ou des services ne se régleront pas à coup de diminution des minimas ! Faut-il donc aller plus loin dans la « flexibilité » du marché du travail et se diriger pour les jeunes vers une baisse structurelle et légalisée de leurs rémunérations ?

Outre le fait que le redressement « productif » ne consiste pas d’abord à édicter des normes sociales, n’en déplaise à beaucoup, l’on ne peut que douter des effets d’un ajout de flexibilité aux précarités actuelles. Tout milite contre : que ce soit du point de vue de l’efficacité économique, de la justice sociale, pour ne rien dire du regard ainsi porté par la société sur les générations montantes et du poids absolument injustifiable des sacrifices demandés aux moins de 30 ans. Mais s’il s’agissait d’un deal aux termes duquel, une certaine limitation salariale temporaire serait échangée contre une certaine durabilité des emplois et des engagements consistants sur l’avenir – afin que le temporaire ne devienne pas définitif comme trop souvent – les jeunes, notamment non qualifiés, n’en sortiraient pas forcément perdants.

 

La question majeure ici, c’est que les principaux acteurs n’y semblent pas du tout disposés. Ni du côté du politique qui, tout à la sanctification du SMIC, a été à l’origine de la multiplication des formes d’emploi atypiques et mal payées, ouvrant ainsi la voie à une société profondément duale du point des emplois, des salaires et des générations. Ni du côté des acteurs patronaux engagés dans un toujours plus au détriment d’un toujours mieux. Ni du côté des acteurs syndicaux qui, tout en étant pour certains assez lucides, préfèrent tenir plutôt que lâcher la proie pour l’ombre ou ‘être accusés de toutes sortes d’ignominies.

 

Une dernière chose : la voix des jeunes. Celle-ci est singulièrement absente. Or de telles réformes sans une participation des principaux intéressés n’a aucune chance de prospérer. A quand une conférence sociale des jeunes, faisant place à leur diversité d’origines, de situations et d’aspirations ? Cela serait peut-être la voie d’un contrat de génération digne de ce nom !

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