Aux difficultés de la démocratie sociale et politique, aux contestations (légitimes) de la bureaucratie et de l’impuissance européenne, on répond volontiers aujourd’hui par la proposition de référendums. Vraie ou fausse solution ? Bonne ou mauvaise idée ? En tout cas l’une des formes de consultation électorales les plus sujettes à manipulation (une pensée pour la Grèce… ).
Il est vrai que les responsables politiques n’ont guère de scrupules. David Cameron a proposé aux Anglais un vote sur l’appartenance à l’Union européenne alors qu’il était en difficulté électorale, en laissant entendre qu’il pencherait pour le « Brexit »…et fait maintenant campagne pour le « oui » après des négociations piégées avec l’UE. Que dire de ce type de référendum, ou de celui proposé par les indépendantistes et par Podemos pour la Catalogne ? Ce sont en quelque sorte des votes « d’auto-détermination » comme l’histoire en a connus durant les périodes de lutte des peuples pour la décolonisation. L’Europe a-t-elle colonisé la Grande Bretagne, toujours très accueillante aux subventions agricoles (la Reine elle-même, parait-il ?) et aux travailleurs à faible coût venus des nouveaux États membres de l’Est européen ? Et d’ailleurs un tel référendum ne devrait-il pas impliquer tous les pays européens puisqu’il concerne les équilibres de l’Union et ses règles du jeu communes ?
Voilà la France qui innove avec la proposition « présidentielle » d’un référendum local sur le projet d’aéroport du Grand Ouest…étrange figure comique de la démocratie à géométrie variable. Qui pourrait être concerné par un tel vote : le département ? La région, ou les régions ? Les voyageurs qui utiliseront cet équipement comme un « hub » ? À quelle échelle se joue la démocratie dans des espaces de mobilité nationale et internationale ?
Et voilà maintenant le référendum en entreprise, ultime ressource pour débloquer des situations complexes. C’est l’une des propositions de la Loi de réforme du Code du travail. L’introduction des formes de la démocratie politique en entreprise est loin d’être évidente. Les Lois Auroux en témoignent : le droit d’expression des salariés sur le lieu de travail est introduit par la Loi du 4 août 1982 (flash sur la nuit du 4 août 1789…) relative aux « libertés des travailleurs dans l’entreprise » (réplique de la loi Deferre du 2 mars 1982, « Droit et libertés des communes, départements, régions »…). Ces lois ont produit de très nombreux résultats et personne ne songerait aujourd’hui à contester la négociation annuelle sur les salaires ou les évolutions des conditions de travail le plus souvent négociées. Mais les « groupes d’expression des salariés » ont peu à peu disparu du paysage social. Pourtant l’aspiration à davantage d’autonomie dans le travail n’a jamais été aussi forte. Ce n’est certainement pas l’introduction de référendums binaires et médiatisés qui y répondra.
Par contre, des négociations accompagnées de consultations des salariés concernés et du renforcement du lien entre les salariés et leurs représentants – qui permettent à chaque entreprise de trouver les bonnes organisations du travail (temps de travail, annualisation, compensations, temps de formation…) – sont essentielles à la vie économique et sociale. C’est pourquoi, la place de la négociation d’entreprise et le poids juridique (changement de la hiérarchie des normes) qui lui est accordé par rapport à tout ce qui vous tombe d’en haut est déterminant. Et c’est peut-être la vraie clé de la si nécessaire simplification : on trouve toujours simple ce que l’on a négocié au plus près du terrain, même lorsque c’est compliqué ! Sans doute aussi l’occasion d’un vrai renouvellement du dialogue social tandis que la faible présence (et parfois la faible représentativité) des syndicats dans de nombreuses entreprises a conduit à fabriquer de nombreux formalismes qui font de la fonction de chef d’entreprise et de responsable des ressources humaines une succession de deadlines juridiques (nombre et dates de certaines réunions, ordres du jour, listes et formats des documents à remettre… ).
Le temps des référendums est devant nous, mais la démocratie ce n’est pas qu’une affaire d’élections !
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