« La France n’aime pas ses jeunes », c’était le titre d’un dossier d’Enjeux Les Echos en février 2011. Lors de la campagne pour les élections présidentielles, François Hollande avait fait de la jeunesse une priorité, c’était une bonne idée. Mais pas de l’avoir ensuite un peu oublié. En tout cas de ne pas avoir suffisamment distingué l’essentiel de l’accessoire.
On connait les problèmes que rencontrent les jeunes et on en connait plutôt bien les causes. On connait aussi les politiques et les programmes qui marchent, en particulier au travers des études internationales (OCDE, Commission européenne…), dont Metis se fait régulièrement l’écho.
Les parcours de travail se jouent à l’école
Les systèmes éducatifs qui marchent bien et fabriquent le moins d’échec scolaire s’appuient dans leur grande majorité sur des marges importantes d’autonomie des établissements, s’efforcent par de bons salaires en début de carrière d’attirer les meilleurs étudiants vers les métiers de l’enseignement et font de la formation permanente des enseignants une absolue nécessité. Eric Charbonnier, expert de ces sujets à l’OCDE le rappelait récemment dans un article dans Le Monde (« L’échec n’est pas une fatalité », 17 mars 2016). La réforme du collège entreprise en France va dans ce sens, mais a soulevé de tels mécontentements chez les enseignants (ou du moins auprès de leurs syndicats), et une telle grogne chez les intellectuels du 6e arrondissement, que sa mise en œuvre manque de vigueur, alors qu’il y a urgence. Le chômage des jeunes et le nombre de NEETs (Not in Education, Employment or Training) ne diminue que très faiblement en France. Et reste beaucoup plus élevé que dans de nombreux autres pays européens.
Les entreprises ne font pas confiance aux jeunes
Dès que l’on jette un coup d’œil sur les nombreux sites d’offres d’emploi, il est évident que les profils recherchés correspondent à des personnes encore jeunes, pourvues de diplômes et ayant 4 à 5 ans d’expérience professionnelle. Mais où diable les jeunes sortant de leurs parcours scolaires peuvent-ils acquérir cette expérience si personne ne les embauche ? Où alors seulement au travers de CDD, de plus en plus courts. La plupart des entreprises se comportent mal vis-à-vis des jeunes. Ils enchainent alors les stages, les CDD et de longues périodes d’inactivité. Et l’on sait que les « premiers pas » sur le marché du travail sont déterminants. Des débuts difficiles, des salaires bas que les jeunes sont bien obligés d’accepter s’ils veulent travailler, des emplois en sous-qualification par rapport à leur niveau et à leurs études pèseront sur toute leur trajectoire professionnelle, et donc sur toute leur vie. Et cela, les jeunes qui protestent contre la Loi « Travail » le savent très bien. Et pourtant, ils ont dans leur grande majorité envie de travailler et beaucoup d’attentes par rapport au travail. Ceux réunis par le Lab Jeunes d’Astrees, coordonné par Claude-Emmanuel Triomphe et Bertrand Vial, dans le programme « Dessine-moi un travail » ont affirmé leur volonté d’engagement, de changement, pourvu qu’on leur donne leur chance. Cette initiative a été sélectionnée dans l’initiative « La France s’engage » et va continuer de se développer.
Des mesures en demi-teinte
Certes des mesures ont été prises par le gouvernement français, des dispositifs ont été créés comme lors de chaque nouveau mandat présidentiel. Ainsi le « contrat de génération » présenté comme une mesure emblématique (malgré les remarques sceptiques de la plupart des experts du marché du travail) est considéré par la Cour des Comptes comme « un insuccès ». A peine un cinquième des résultats attendus pour cette mesure qui devait inciter à la fois à l’embauche en CDI d’un jeune, au maintien d’un « vieux » et au transfert de compétences entre celui-ci et celui-là. Et une fois de plus, la mesure a surtout profité aux jeunes qualifiés et ayant déjà occupé d’une manière ou d’une autre un emploi.
Les contrats d’avenir ont plutôt bien marché, comme avaient bien marché les « emplois jeunes ». Mais de nombreux travaux ont montré que leur utilisation, dans le secteur public surtout, n’en fait pas un moyen d’accès à des emplois stables, mais bien davantage une marge de manœuvre pour des établissements publics, des collectivités territoriales et des associations aux prises avec des restrictions budgétaires.
Alors la « Garantie jeunes » ?
Mise en place après l’initiative européenne de la « Garantie Jeunesse », qui vise à lutter contre le chômage des jeunes en proposant à tous les moins de 25 ans, qu’ils soient inscrits au chômage ou non, une offre de qualité, dans les 4 mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi (un emploi, un apprentissage, un stage ou une formation continue), le tout adapté aux besoins et à la situation de chacun. En France, elle a été mise en oeuvre dans le cadre du Plan de lutte contre la pauvreté de 2013, d’abord expérimentée dans 10 départements, puis étendue à 62 autres. Pilotée par les Missions Locales, ce n’est pas un « droit » mais un programme évalué au fur et à mesure. Il s’agit, en effet, d’organiser un parcours intensif et actif d’accès à l’emploi et à la formation sur la base d’un contrat entre le jeune et la mission locale, avec un accompagnement serré, des immersions nombreuses en entreprise et 426 euros par mois, montant dégressif au fur et à mesure que les activités procurent au jeune des revenus. On voit que les « ingrédients » d’une politique qui marche sont présents : l’accompagnement personnalisé et serré, l’engagement (empowerment) du jeune, la recherche d’une implication des entreprises partantes, la non- séparation entre le travail et la formation (sur laquelle Metis a si souvent insisté). On y affirme également l’importance d’un accompagnement global qui aide à lever les différents freins à l’emploi, la santé, le logement, les transports… Ce qui, après tout, n’est jamais que renouer avec les objectifs de départ des Missions Locales pour l’emploi des jeunes, créées en 1982 selon les idées et à l’initiative de Bertrand Schwartz. Au 31 décembre 2015, 46 000 jeunes avaient suivi ce parcours, un sur deux se trouvant en emploi 8 mois après la fin de la garantie. Pas mal.
Alors c’est une bonne idée que de l’avoir introduite dans la Loi Travail, et peut-être ne serait-elle pas venue sans la pétition à un million de signatures et sans les protestations des jeunes. Bonne chance à la Garantie Jeune et aux nombreux projets des jeunes, pourvu qu’on leur fasse confiance !
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