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danielle kaisergruber

C’est le nom d’un programme de réformes et surtout d’expérimentations aux Pays Bas. Regardons ce qui marche, expérimentons, évaluons. Puis supprimons ce qui ne marche pas, développons et renforçons ce qui fonctionne. Cela semble du bon sens…

 

What works in France?
La Garantie Jeunes ça marche ! Créée en 2013 comme dispositif expérimental destiné aux jeunes ni en emploi, ni en formation et en situation de grande précarité sociale (les NEET, comme on dit dans le vocabulaire européen). Alors, voyons quels en sont les ingrédients ? Un revenu (470 euros/mois), un accompagnement collectif – le plus souvent par des binômes de conseillers, le « work first » c’est-à-dire la priorité à des mises en situation professionnelle, la « médiation active » c’est-à-dire l’accompagnement des entreprises pour recruter et suivre les jeunes.

Que signifie « ça marche » ? Plusieurs évaluations sous la responsabilité d’un Comité scientifique (présidé par Jérôme Gautié) montrent que la mesure a atteint les personnes pour lesquelles elle a été faite : jeunes peu qualifiés, en grandes difficultés, souvent dans des quartiers « Politique de la ville » ou des Zones urbaines sensibles. Les taux d’emploi comparés à ceux des mêmes jeunes n’ayant pas suivi ce parcours ont augmenté. L’opérateur choisi est le bon : les Missions Locales en lien avec les CCAS des villes. Un accompagnement renforcé, collectif qui vise à créer autour des jeunes une sorte de réseau de personnes-ressources. Un accompagnement exigeant incluant un réel contrôle, mais qui vise à favoriser l’autonomie et l’empowerment des jeunes. Alors, développons la Garantie jeunes et utilisons le même mix d’ingrédients dans d’autres politiques.

Mais marchent aussi les entreprises qui s’occupent sérieusement de la qualité de la vie au travail, surtout celles qui lui redonnent du sens en libérant des marges d’autonomie aux salariés dans l’exercice de leur activité, en développant des organisations du travail responsabilisantes, l’évaluation du travail fait et des projets menés… Ce peut être une question d’organisation et de management, de dialogue professionnel, mais aussi souvent une question de dialogue social. « Le dialogue social et le dialogue professionnel se renforcent mutuellement. Les établissements où les pratiques de dialogue social sont caractérisées par des niveaux relativement élevés de confiance mutuelle enregistrent de meilleurs résultats en termes de performances et de bien-être au travail. » (Dialogue social : sortir du formalisme ! par Martin Richer, Metis,  02 janvier 2017).

Et les études européennes, en particulier celle d’Eurofound (Fondation de Dublin) montrent régulièrement à quel point la France est en retard en matière d’organisation du travail participative et « reste engluée dans le taylorisme, un mode d’organisation qui sépare la conception du travail de son exécution, puis parcellise sa réalisation. Nous ne progressons pas en matière d’autonomie dans le travail, par rapport aux pays nordiques, mais aussi aux Pays-Bas, à la Grande Bretagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Irlande. Dans chacun des pays nordiques, l’OTP est déjà la forme dominante de l’organisation des entreprises. Facteur aggravant : alors que la part des OTP s’accroît dans la plupart des pays de l’UE, elle se réduit en France ». (« Ce n’est pas l’entreprise qu’il faut libérer ; c’est le travail », par Martin Richer, Metis, 18 janvier 2016)

Structures pyramidales, relations hiérarchiques encore fortement marquées par les symboles du pouvoir, distance hiérarchique, séparation entre cols blancs et cols bleus… autant de caractéristiques qui témoignent du manque de confiance au sein des entreprises françaises. Un prochain dossier de Metis reviendra sur la gouvernance des entreprises et le pouvoir d’agir des salariés.

Lorsque le dialogue professionnel quotidien et le dialogue social se rencontrent et se nourrissent, cela s’appelle la négociation d’entreprise. Et ça, ça marche !

 

What doesn’t work in France ?
A l’inverse de la Garantie Jeunes, les contrats de génération (un jeune embauché, un vieux confirmé dans son emploi, des relations de tutorat entre les deux, le tout reposant sur des accords d’entreprise, des pénalités si l’on n’engage pas la négociation de tels accords… une subvention annuelle…) n’ont jamais « pris ». Il est vrai que poursuivre trois objectifs en même temps c’était beaucoup : pour le maintien en emploi des seniors, l’insertion durable de jeunes et la transmission de compétences. 40 000 contrats à mi-2015 (depuis on a apparemment cessé de compter…) pour 500 000 promis à la fin du quinquennat lors de la création de la mesure (Rapport annuel 2016 de la Cour des comptes). Mais il est toujours écrit dans le Code du travail : « Votre entreprise compte 300 salariés ou plus vous avez l’obligation de négocier sur le contrat de génération… Un accord de branche ne suffit pas… » Alors supprimons vite ces fameux contrats et les obligations qui vont avec !

Ce ne sont là que de petits exemples : il s’agit bien chaque fois de s’appuyer sur des résultats partagés, des évaluations qualitatives, et il s’agit surtout de ne pas se payer de mots. See what works pour échapper aux fausses querelles idéologiques, ou aux copier-coller mécaniques des expériences étrangères, ou aux enthousiasmes éphémères pour des mesures-miracles. La modestie de l’analyse des faits, la formulation de jugements d’évaluation partagés puis la netteté de la décision publique.

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.