Pas facile de parler d’Europe en ce moment. À l’image de ce qui se passe ailleurs dans le monde, chaque jour apporte son lot de bonnes ou mauvaises nouvelles. L’Europe est juste une partie du monde, réputée prospère : nombreux sont ceux qui veulent y venir bien que ce soit une petite proportion des 250 millions de personnes qui migrent d’un pays à l’autre. L’Italie sombre dans le populisme médiatique dont la voie avait été tracée par Berlusconi, tandis que l’Espagne se débarrasse d’un coup de muleta du psychorigide Rajoy. L’Italie se ferme spectaculairement aux réfugiés et aux ONG, et l’Espagne s’ouvre à nouveau.
Certes l’hypocrisie et la bonne conscience européenne avaient béni la géographie : peu de pays ont un rivage méditerranéen et on pouvait laisser la Grèce et l’Italie au front… ou la Turquie avec les contreparties qui conviennent, mais ça c’est une autre histoire.
Un pas de plus est franchi lorsque Viktor Orban fait voter en Hongrie une loi qui interdit d’aider les réfugiés. En France on se contente de les condamner. Bruxelles, pourtant si prompt à porter la parole de l’orthodoxie budgétaire et à rappeler à l’ordre les ministres de l’Économie manque de voix. Un vieux président fatigué. De vaillant(e)s Commissaires (souvent des femmes), mais peu de cohérences et aucune parole politique qui porte.
Faudrait-il exclure des pays de l’UE ? ou en tout cas leur retirer les financements par les Fonds structurels pour lesquels aucune contrepartie ne leur est demandée. Le projet de futur budget européen proposé par la Commission l’envisage. « On » a exigé de la Grèce des réformes très dures pour les populations en échange d’un appui financier qui (l’appui financier, les réformes on ne sait pas encore…) a fini par produire des effets. C’est à mettre au chapitre des bonnes nouvelles, de même que la croissance retrouvée de pays comme le Portugal, la Finlande ou l’Irlande, avec des recettes très différentes et sous des couleurs politiques variées. D’ailleurs, c’est l’Europe tout entière qui a retrouvé un chemin de croissance : le taux de chômage est revenu à son niveau de 2008, 8,5 % alors qu’il a culminé à 12,1 % en 2013.
L’Europe s’est construite par des « traités » comme une Union d’États dans laquelle le vrai pouvoir est celui des chefs d’État. Faut-il s’étonner que chaque pays y mène sa propre vie ? Encore faudrait-il que ce soit de manière responsable ?
La France et l’Allemagne ensemble vont jouer dans les semaines quelques cartes d’importance, venant renforcer la « zone euro », c’est-à-dire une Europe plus restreinte, mais peut-être plus cohérente. Avec un budget spécifique pour cette zone (pour quoi faire ?), un « FMI » européen (ça, on voit tout à fait à quoi il peut servir) et des initiatives communes de défense. Les pays sont égoïstes, facilement protectionnistes et les nationalismes restent vivaces : parier sur une Europe plus forte n’est pas toujours gagnant pour un politique. Le Président français le fait avec une certaine détermination.
Les crises ont parfois du bon : Trump peut contribuer à une certaine solidarité européenne. Il aura en tout cas fait percevoir à l’Allemagne que sa relation privilégiée avec les États-Unis ne l’était plus.
À ranger dans les bonnes nouvelles, la Commissaire européenne Emploi – Affaires sociales – Compétences œuvre à la création d’une « Autorité européenne du Travail » (voir ci-après l’article de Jean-Raymond Masson) : 17 millions d’Européens travaillent et vivent dans un autre pays que celui de leur nationalité. Il y a de quoi faire ! L’European Labour Authority s’attaquera-t-elle aux « sociétés boîtes aux lettres » qui sont de simples loueurs de main-d’œuvre « en détachement » ? L’Europe sociale n’est pas seulement une question de bons sentiments, c’est surtout une question de cohérence et d’efficacité.
Dans un long entretien avec le journal Le Monde, l’anthropologue Maurice Godelier insiste sur le changement majeur de ces dernières années : l’Occident a perdu sa suprématie, c’est au tour des pays anciennement colonisés de devenir les puissances du 21 ° siècle et ces pays le font en affirmant leur propre philosophie politique : « se moderniser sans s’occidentaliser », « notamment en refusant le principe de la démocratie représentative ». D’où l’importance de comprendre l’histoire et la culture qui font « que leur passé continue à agir dans leur présent ».
Il s’agit bien d’être pleinement européen, riche de tout le passé et de toute l’histoire de l’Europe, de ses diversités, jouant sa partition dans le monde d’aujourd’hui, comme une sorte de « pays-continent ». Pas plus puissant que les autres, mais pas moins.
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