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danielle kaisergruber

Avec la rentrée, on se projette toujours un peu dans ce calendrier bis à caractère scolaire : « l’année 2018-19 ». L’actualité de l’été : difficultés des pays européens à trouver des solutions pour les bateaux de migrants, rencontre au sommet des populistes Orban et Salvini, feuilleton du Brexit mou ou dur, avec ou sans accord, nous rapproche des élections européennes du printemps 2019.


Avec quelque chose de nouveau : pour la première fois peut-être, les élections des députés au Parlement européen (dont on sait que les pouvoirs ne sont pas immenses…) seront vraiment européennes, et leur enjeu déterminant : en l’occurrence la place de l’extrême-droite dans cette instance, les recompositions qui peuvent s’en suivre et les changements des rapports de force politiques au sein de l’Union européenne. Chaque pays vote avec ses propres règles du jeu, une bizarrerie qui mériterait d’être corrigée, mais les partis nationalistes, populistes, ou franchement d’extrême-droite, ont prospéré partout. Et le scepticisme par rapport à l’Europe est grand. C’est pourquoi alors que l’enjeu sera véritablement européen, il est méprisable de vouloir en faire de ces élections un référendum national.

Les faiblesses et les manques de l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui sont connus et partagés par de nombreux citoyens européens : une conception idéologique de la concurrence libérale qui empêche la construction d’une Europe technologique et industrielle, une réticence à considérer que l’harmonisation sociale est une composante essentielle de la compétitivité, une naïveté difficile à expliquer qui n’autorise pas des dispositions de contrôle des investissements étrangers, chinois en particulier, dans les secteurs stratégiques… Sans parler des difficultés à construire une politique cohérente et solidaire d’accueil raisonné des migrants et réfugiés.

 

On peut aussi reprocher à l’Europe la faiblesse de ses engagements en matière écologique, il est d’ailleurs fréquent que la France ait adopté des réglementations plus strictes. En somme, une Europe empêtrée dans ses contradictions.

Les contradictions ne manquent pas non plus en France. Ce ne sont pas seulement les faiblesses des politiques, contrairement à ce qu’a répété en boucle la photocopieuse géante que sont devenus les médias, mais bien les contradictions de la société elle-même. Nos contradictions. Nous voulons des politiques de long terme, mais adorons l’immédiateté.

La période de mise en œuvre, dans les mois qui viennent, des dernières réformes sociales sera décisive, et longue. Formation par l’apprentissage : aux partenaires de prendre la main dans les branches professionnelles. Dialogue social : aux syndicats d’avancer sur le terrain dans les entreprises pour créer les nouveaux comités d’entreprise et les faire vivre (les CES : Comité social et économique) qui regroupent toutes les instances de représentation du personnel. Les entreprises joueront-elles le jeu ? Elles ne semblent pas vraiment se précipiter… Formation tout au long de la vie : le Compte personnel de Formation (CPF) passe la main aux personnes, salariés, indépendants ou demandeurs d’emploi. Aux syndicats et aux acteurs locaux de trouver comment les accompagner le mieux possible.

Il s’agit de ne pas se perdre dans les détails technocratiques que fabriquent les interventions des différents acteurs, les rédactions complexes des décrets et circulaires. Ne pas perdre de vue quelques-uns des enjeux essentiels : apporter des réponses aux jeunes quant à leur place dans le monde des actifs et des adultes, lutter contre les précarités extrêmes, ouvrir des perspectives de mobilité, de progression pour le plus grand nombre. En un mot, lutter résolument contre la trop grande place des déterminismes sociaux. Seul le ministre de l’Éducation nationale semble pour l’heure s’en préoccuper.

Les réformes en cours sont toutes de moyen terme : leurs effets que l’on espère positifs seront nécessairement longs à venir. Les impatiences sont grandes, et les populismes de tout bord sont habiles à les exploiter en fabriquant d’éphémères communautés d’impatiences.

Les « chantiers » de la rentrée sont nombreux : Metis poursuivra sa rubrique « Chronique des réformes » et ouvrira de nouveaux dossiers : sur les jeunes, leur rapport au travail et à l’emploi, sur les vieux et leurs activités qui sont ou ne sont pas « du travail ». Des « portraits de pays » de chacun des différents États européens. Et tout cela avec un site rénové, plus lisible, plus facile d’accès… Vous allez bientôt découvrir…
Alors bonne rentrée !

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.