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Claude Emmanuel Triomphe

Quand l’Université Européenne du Travail a démarré ses premiers travaux en 1999, elle a choisi de revisiter la question des restructurations, dont beaucoup estimaient à l’époque qu’elles appartenaient au passé … Il n’en était rien. Désormais, les restructurations font partie de la vie des entreprises et des travailleurs européens et mondiaux, dès lors qu’on ne réduit pas leur champ aux seuls licenciements et fermetures. Pourtant, certaines pratiques prospèrent encore çà et là, chez nous ou plus à l’Est : un conseil, lisez l’interview des syndicalistes roumains, c’est brutal mais ça remet un certain nombre de pendules à l’heure. On ne peut envisager les restructurations sans examiner les nouvelles structures du travail et des activités. C’est devenu une sorte de fil conducteur de nos travaux. Nous présentons dans ce numéro les résultats d’un projet initié en 2005, « le projet MIRE » qui porte sur les innovations dans la gestion des restructurations en Europe.

Les restructurations nous appellent à repenser ce que deviennent les hommes et les activités dans cette période de changements tous azimuts et à revoir complètement nos représentations du travail et du social. Exercice pour intellectuels, direz-vous.. Pas si sûr. Voyez par exemple ce qui se passe sur la scène sociale. En Europe, l’UNICE, la confédération des industriels et des employeurs privés, a décidé de se rebaptiser « Business Europe ». Ce ne sont plus les employeurs qui s’affirment, ni même les entreprises, comme ce fut le cas en France avec la transformation du CNPF en MEDEF, ce sont les affaires ! A l’autre bout de l’échiquier, c’est une association, regroupant les 400 salariés licenciés par Moulinex, qui lance un procès retentissant en justice : beaucoup n’ont pu être reclassés malgré les multiples mesures mises en oeuvre et veulent donc obtenir réparation. Comme le dit la porte parole de l’association : « nous avons du faire cela en dehors des syndicats ».

Dès 2002, l’UET avait entrepris de se pencher sur les associations de salariés victimes des restructurations, nous pensions que cela devait interpeller le mouvement syndical sur sa manière de prendre en compte les restructurations et les personnes. Bref, du travailleur à l’entreprise en passant par la Cité, tous les représentants institutionnels et toutes les représentations sont à l’épreuve. Aujourd’hui, alors que la campagne présidentielle française croule sous le poids des décalages et de visions sociales dépassées, n’est-il pas temps de penser, pour certains au moins, à un droit voire à un devoir de retrait ?

Les restructurations ont fait émerger les fondations d’un autre monde, d’une autre autre économie et d’une autre société. Nous ne sommes plus dans la prospective. Nous sommes dans la réalité présente. Lorsque les protections ne protègent plus, lorsque les acteurs n’agissent plus, lorsque … bref, lorsque tout a dérivé à ce point, le dépôt de bilan de la pensée est proche. La restructuration du social, les restructurations syndicales deviennent impératives, nos débats actuels sur la représentativité sont dérisoires. Il y a des cas où les redressements sont possibles, et d’autres où la reconfiguration drastique s’impose. A attendre encore un peu plus, il n’y aura plus de choix.

Claude Emmanuel Triomphe

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