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Triomphe article

Du Tibet au Zimbabwe en passant par l’Egypte, la Roumanie ou Haïti, le monde bruit. Dans ces pays, ni RGPP – vous savez la fameuse révision générale des politiques publiques – point de position commune sur la représentativité syndicale, point de réduction SNCF pour les familles nombreuses ! La crise financière semble stabilisée, mais le prix des denrées alimentaires alimente les crises de la faim, pendant que les salariés « low cost » réclament une part du gâteau. Après Dacia, Nokia verra peut-être différemment l’aventure de sa délocalisation roumaine.

En effet, Nokia est à l’honneur de Metis ce mois-ci. Une fois n’est pas coutume nous avons fait de cette délocalisation d’une entreprise finlandaise de son site allemand vers un site roumain une histoire à triple voix. Car l’affaire est emblématique du capitalisme contemporain que nous continuons souvent à analyser avec des grilles obsolètes. Notre Finlandais de l’étape nous invite à relever le défi de la compréhension du super capitalisme, condition sine qua non de sa régulation. La crise financière, même si stabilisée, nous y invite aussi. Et si l’on avait encore un doute, observons comment un modèle agro alimentaire conduit directement l’Afrique et d’autres à la famine. Notre modèle de croissance n’est ni durable, ni équitable mais nous allons pourtant le célébrer en grandes pompes lors des JO de Pékin, capitale d’un pays qui l’a utilisé jusqu’à la moëlle, et sous ces deux versions, communiste d’abord, capitaliste désormais. On peut toujours boycotter l’apéritif – comme Nicolas S. semble l’envisager -, ça ne changera rien au plat de résistance. Vous souvenez-vous de ces articles et interviews, à propos de la réforme du droit du travail chinois, que les chambres de commerces européennes et américaines trouvaient trop favorable aux salariés ? Les affaires n’ont que faire du Tibet et nombre de démocrates n’ont qu’une faible appétence pour les droits sociaux.

L’Etat est-il devenu stratège ? On en doute…

Enfin… revenons à nos moutons. Nos moutons français. Indéniablement la position commune des partenaires sociaux sur la représentativité et le dialogue social est un progrès. De nature à enrayer la chute du syndicalisme ? Cela reste à voir. La modification même intelligente des règles du jeu ne fait pas à elle seule un projet. Patientons donc, mais pas trop. Le projet, c’est justement tout ce qui paraît manquer à la fameuse révision générale des politiques publiques : économies, économies, économies, c’est tout ce que l’on nous sert. Le gouvernement veut réorganiser les administrations, les fusionner sans qu’un seul instant le sens stratégique soit donné. S’agissant du travail, son administration va se retrouver avec l’industrie, le tourisme, la concurrence et la répression des fraudes et peut-être d’autres encore. Et la fusion UNEDIC-ANPE a toutes chances de devenir une belle usine à gaz. Pour faire quoi ? Les restructurations publiques sont désormais engagées en France. A l’ancienne. L’Etat a-t-il appris quelque chose de 30 ans de restructurations privées ? On en doute. L’Etat est-il devenu stratège ? On en doute encore plus. L’Europe a-t-elle mieux à proposer ? On voudrait y croire, mais là aussi, on en doute.

108 millions de salariés précaires en Europe

Contrats de travail enfin. Metis a déjà parlé de la réforme du marché du travail en France. Certaines de nos analyses ont été sévèrement critiquées. C’est la vie et ça prouve que nous ne laissons pas indifférents. Mais quelques chiffres devraient nous faire réfléchir à l’avenir. Selon une étude – non encore publiée – remise au Parlement Européen par ASTREES et Labour associados, la diversification et la fragmentation des formes de travail en Europe est en pleine expansion : 40 millions de salariés ont un CDD, 39 millions sont à temps partiel et, fait majeur, 22 millions au moins de travailleurs « indépendants ». Sans oublier le travail informel, qui s’est fortement développé. Selon la Confédération Européenne des Syndicats, il y aurait 108 millions de salariés en état de précarité. Nous y reviendrons. Mais il serait temps que nos représentations du travail et les stratégies qui en découlent se mettent à jour.

Claude-Emmanuel Triomphe

PS :

  1. Tout cela n’est pas très drôle j’en conviens. Soyons positif sur un point : METIS inaugure son nouveau site qui va s’étoffer d’ici le mois de juin. Alors? … Heureux ?
  2. Le Café de la Gare à Paris met en scène « Plan social », une pièce un peu délirante, caricaturale mais pas idiote. Les trois coups sont frappés à 22 heures, exprès pour celles et ceux qui travaillent plus !
  3. Et pour rester dans l’humour, la flamme olympique ne verra pas son parcours perturbé à Pyong Yang. C’est le comité olympique nord coréen qui en fait la promesse…

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