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Au menu de la présidence française, outre les questions de l’immigration sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement dans Metis, il y avait 3 directives importantes en matière sociale :
– deux devaient réviser des textes existants sur le temps de travail d’une part, sur les CE européens de l’autre
– la troisième devait enfin donner un cadre législatif européen au travail intérimaire.

parlement

Si le travail intérimaire est enfin régulé et qu’un compromis a été trouvé pour les CE européens, la présidence a échoué sur la question du temps de travail, échec dont on voit mal qu’il puisse être surmonté à brève échéance, tant les futures présidences tchèques et suédoises de 2009 paraissent peu enclines à s’en saisir. Revue de détail:

Intérim

Adoptée le 19 novembre 2008 après plus de dix ans de débats et une longue période de blocage, notamment du Royaume Uni, la directive sur le travail intérimaire a été promulguée le 5 décembre dernier et devra être transposée dans les divers Etats-membres avant le 5 décembre 2011. Elle prévoit :
– L’égalité de traitement dès le premier jour sur les « conditions essentielles de travail et d’emploi, à savoir la rémunération, la durée du travail, les heures supplémentaires, les temps de pause et de repos, le travail de nuit, les congés, la protection des femmes enceintes et des jeunes. Les intérimaires doivent aussi bénéficier des règles visant à combattre les discriminations. Mais la directive permet des dérogations, notamment par le biais de la négociation collective.
– L’accès aux équipements collectifs et à la formation. Les intérimaires bénéficieront de l’accès aux installations et aux équipements collectifs, comme les salariés de l’entreprise utilisatrice, « sauf raisons objectives ». Leur accès aux possibilités de formation devra être amélioré.
– La représentation des travailleurs. Les travailleurs intérimaires seront pris en compte, dans des conditions à définir, au sein de l’entreprise de travail intérimaire pour le calcul du seuil au-dessus duquel les instances représentatives du personnel sont normalement mises en place. Cette obligation devient une faculté s’agissant d’une représentation au sein de l’entreprise utilisatrice.
– La libéralisation du marché de l’intérim, qui dans nombre d’Etats est encore soit interdit, soit restreint. Ces limitations devront être révisées par les Etats-membres et ne pourront être justifiées que par des raisons d’intérêt général tenant, notamment, à la protection des intérimaires, aux exigences de santé et de sécurité au travail ou à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché du travail et d’empêcher les abus.

CE européens

La directive, adoptée en 1994 devait être révisée depuis….1999 ! Mais la Commission, les Etats membres comme le patronat européen ont longtemps traîné les pieds ou s’y sont opposés. Faute d’accord entre partenaires sociaux, c’est la Commission qui a repris l’initiative en 2008. On pensait voir aboutir rapidement la révision tant attendue jusqu’à ce que le Parlement Européen se prononce, en commission, en faveur d’amendements peu consensuels, notamment sur la définition des questions transnationales justifiant la compétence des CEE. Un compromis de dernière minute, entériné le 16 décembre 2008, a permis de fixer entre autres :
– Une définition réglant au moins formellement le champ de la compétence transnationale des CEE
– Une amélioration des procédures d’information /consultation en vue de renforcer l’implication des CEE dans les processus de décision.
– La reconnaissance officielle du rôle des organisations syndicales européennes, notamment au titre de la négociation mettant en place un CEE
– Les modalités d’articulation entre l’information/consultation du CEE et celle des instances nationales
– L’accroissement des ressources financières allouées aux CEE
– L’obligation pour les Etats de garantir que les manquements à la directive soient sanctionnés de manière adéquate, proportionnée et dissuasive.

Temps de travail

C’est ici que le bilan s’assombrit. Cette directive de 1993, qui prévoit entre autres les durées maximales de travail et minimales de repos, devait là aussi être révisée car pour être adoptée elle avait permis à l’époque au Royaume Uni de faire exception aux règles communes par la technique de l' »opt out »- par laquelle un employeur britannique pouvait négocier la durée du travail de gré à gré avec ses salariés. Cette exception devait être temporaire et…le temporaire a duré. Le blocage s’est achevé entre les Etats membres lorsque la France et d’autres ont de facto rejoint partiellement les Britanniques, – et la loi française du 20 août 2008 – mais le Parlement Européen n’a pas voulu de ce compromis qui nuisait selon lui aux intérêts fondamentaux des travailleurs (cf . l’interview d’Alejandro Cercas et les autres articles de Metis sur ce sujet).
Par 421 voix contre 273, il a adopté en effet le 17 décembre 2008 un amendement qui supprime l’opt out dans un délai de trois ans. En outre, les eurodéputés ont décidé, contre l’avis des Etats-membres, que les astreintes – « temps de garde » en droit européen qui les définit comme période d’inactivité passée sur le lieu de travail, – devaient être intégralement compris dans le temps de travail. La révision de la directive est donc très sérieusement compromise vu qu’elle est suspendue à une procédure de conciliation entre le Parlement et le Conseil, très aléatoire désormais.

Claude Emmanuel Triomphe avec Planet Labor

 

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