6 minutes de lecture

Cet - couleur

Metis, correspondances européennes du travail s’est construit sur l’idée que l’ouverture à ce que font et pensent les autres – sous-entendu les non Français, en Europe et au-delà – était fondamentale pour comprendre les mutations du travail, de l’emploi voire de la « question sociale ». Cette approche est celle qui nous réunit et qui fait sans doute la singularité de notre site et de son regard. Le « renversement du monde », que la crise n’a fait que souligner et accélérer, est tout sauf étranger aux turbulences de nos modèles sociaux. Jamais il n’a été autant nécessaire de voir et comprendre pour agir. Autant dire que l’heure est au dépassement des craintes et des replis de tout poil

 

Il nous faut apprendre à regarder au-delà du continent européen : ce qui se passe du point de vue du travail en Chine, en Inde, au Brésil, sans oublier l’Amérique du Nord, le Japon ou l’Afrique n’est pas sans conséquence sur nos modèles européens. Les statistiques de fréquentation de notre site sont très satisfaisantes et ne cessent de progresser. Avec un bémol toutefois : les articles concernant les pays d’Europe de l »Est, mais aussi – à notre grande surprise – notre dossier actuel sur le Brésil sont beaucoup moins lus que les autres ! Repli sur la France et une Europe des Six « napoléonienne » ? Crainte des autres, quand ils sont à l’Est ou au Sud ? On peut toujours railler Nicolas S., mais n’est-ce pas ce qui nous guette, chers lecteurs, chères lectrices de Metis ? « N’ayez pas peur » comme le disait il y a 30 ans déjà un Polonais, aussi célèbre, que controversé ! Et d’une certaine manière c’est aussi le message d’Ariane Mnouchkine, femme de théâtre mondialement connue, qui dans un entretien exclusif pour Metis nous livre un autre regard sur le travail et sur l’humanité.

 

 

Entre ce nouvel état de la planète et les turbulences que traversent nos sociétés et les modèles qu’elles ont construits les liens sont multiples. Le succès des Tea parties aux Etats-Unis ou de l’extrême droite en Suède – qui n’atteint cependant que le tiers des niveaux observés en France, en Belgique aux Pays-Bas ou en Hongrie ! –  témoignent d’une montée et d’une cristallisation des peurs qui ne peut qu’interroger les grandes forces politiques, à commencer par la social démocratie. La crise d’ailleurs n’a rien modifié sur le fond et n’a généré aucune révision significative. Le bras de fer qui se déroule en France sur les retraites, les réformes annoncées en Espagne, en Angleterre, en Roumanie ou ailleurs sur la santé, les retraites, l’éducation ou les salaires des fonctionnaires – non seulement passent mal, mais semblent marquées au sceau du briolage et du provisoire. « Refondation du capitalisme » aviez-vous dit ?

 

 

Mais revenons aux pays dits « émergents » et à la manière dont ils posent la question sociale. Quels en sont les termes ? Avons-nous des réflexions, des leçons à en tirer ? Au Brésil, Lula achève son deuxième mandat, doté d’une popularité qui avoisine les 80% et dont le bilan social est loin d’être négligeable. Dans ce pays immense en pleine croissance – de Rio ou de Manaus, la rhétorique européenne sur les « grands » et les petits pays européens est un peu risible ! – les problèmes sont innombrables, les inégalités immenses et les énergies… formidables. Pourtant cette élection illustre l’opposition entre deux Brésil : les riches et les pauvres, comme le montre Hervé Théry.

 

La question du travail, petite partie de la question sociale, ne donne pas lieu forcément à un syndicalisme beaucoup plus innovant ou, si l’on suit Antoine Jeammaud, à un droit du travail bien adapté à une économie encore très largement informelle ! Mais ce qui frappe c’est cette capacité à s’auto-organiser, à mobiliser « le peuple », à rechercher des alternatives comme le montre si bien Chico Whitaker, co-fondateur du Forum social Mondial. Cette capacité à fonctionner en réseau, à travailler de manière beaucoup moins pyramidale et plus horizontale et, ce faisant, de peser politiquement, juridiquement – la rédaction de la Constitution brésilienne en porte largement la trace – est certainement quelque chose dont la vieille Europe, et singulièrement la France, pourrait s’inspirer ! Tant il est vrai que nous croûlons sous des organisations économiques, politiques et sociales ankylosées et ankylosantes.

 

 

Le Brésil nous ramène aussi à des questions qui nous concernent tous : lutte contre la corruption, nécessité de réformes politiques de grande ampleur, besoin d’alternatives à un modèle de développement insoutenable, capacité à influer sur le cours de la mondialisation. D’autres pays émergents bougent, et notamment la Chine : une de nos lectrices en revient et pense que l’Empire du Milieu se livre à un début d’introspection. Nous essaierons dans d’autres dossiers de prolonger son regard. Mais il est évident que l’Europe, à la fois dans ses Etats constituants comme dans sa forme d’Union a sacrément besoin là aussi d’un coup de jeune !

 

 

Loin de nous et de nos préoccupations les pays émergents ? Rien n’est moins sûr. Lorsqu‘un pays en est encore, comme c’est le cas du Brésil, à se demander comment satisfaire les besoins premiers, et non pas les besoins de confort, il est parfois plus lucide que d’autres sur les choix, les méthodes et les priorités. La pauvreté est une richesse des peuples, comme le proclamait déjà il y a près de 35 ans, Albert Tévoédjré, un économiste camerounais dans un livre préfacé d’ailleurs par un Brésilien célèbre Dom Helder Camara. Espérons que Dilma Roussef – une Brésilienne aux origines bulgares ! – qui devrait succéder à Lula saura à la fois faire prospérer ses acquis tout en répondant à des défis immenses qui ont pour nom inégalités, éducation, corruption, mais aussi autre modèle de développement. Défis universels, s’il est encore besoin de le souligner.

 

Un mot encore pour rappeler aux Français et aux Parisiens qu’un grand festival de cinéma sur le travail va avoir lieu dans l’Ouest Parisien entre le 11 et le 15 octobre prochain : nous vous invitons vivement à profiter de sa programmation et de ses débats qui s’annoncent très riches.

 

Print Friendly, PDF & Email
+ posts

Haut Commissariat à l'engagement civique