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Cet - couleur

La grève d’Air France – pour ne pas parler de celle de Lufthansa – a fait couler beaucoup d’encre et ce n’est sans doute pas fini. Mais derrière le mouvement des pilotes se cache une question bien plus vaste : celle de l’arrivée des modèles dits low cost dans nos économies. Très visibles dans le secteur aérien où ils sont devenus en quelques années bien plus puissants que certains « grands, ils sont loin d’y être confinés. Mais il y a low cost et low cost : cette catégorie est très générique et renvoie à des modèles économiques forts différents même si tous caractérisés par des coûts relativement bas.

 

Présents dans la grande distribution avec le hard discount, dans le tourisme et l’hôtellerie et la restauration avec nombre de chaînes bien installées, ils pénètrent aussi le milieu bancaire avec les banques en ligne, l’édition avec Amazon, le milieu industriel, et en particulier l’industrie automobile ou les équipements électroniques. Bref ce n’est pas fini et l’on ne voit que peu de secteurs qui seraient demain protégés par nature. Ils partagent d’ailleurs avec l‘économie collaborative nombre de traits à commencer par l’importance du numérique et, parfois, un rôle plus actif du client. A quand des services publics ou sociaux low cost, et ce à la faveur de la réduction des dépenses publiques et de la montée du numérique ? Ces évolutions sont proches et il faut sans doute nous y préparer !

 

C’est par les prix que ces modèles s’affrontent rudement aux autres ; cette concurrence a existé de tout temps et s’en étonner serait preuve de naïveté coupable. Ils sont redoutables car ils font, le plus souvent, le bonheur du client et menacent nombre de grands groupes qui ont bâti leur fortune sur des prix relativement élevés. C’est pourquoi les « grands » après avoir tenté de le combattre sont désormais tentés de les intégrer. Et nombreux sont désormais les entreprises low cost achetées voire lancées par leurs concurrents high cost.

 

Mais qu’en est-il de la qualité ? Eh bien si celle -ci n’est pas toujours au rendez-vous, elle l’est plus souvent qu’on ne l’imagine aussi : Ryanair et Easyjet ne figurent-elles pas parmi les compagnies les plus ponctuelles ? Quel différence de service entre les chaînes hôtelières low cost et nombre d’hôtels indépendants ? Et ce sans parler des voitures ou ordinateurs low cost dont les qualités n’ont pas à rougir à côté des autres…

 

Leur qualité sociale est, elle, par contre très questionnable. C’est sans doute là que le bât blesse le plus : salaires inférieurs, voire minimaux, avantages réduits, politiques antisyndicales comme chez Ryanair (qui s’en vante ! ), cotisations sociales comprimées par le jeu des délocalisations, jobs à durées réduites : le low cost a souvent de très grosses déficiences, de gros progrès à faire. Mais ceci d’une part n’est pas universel – là aussi il y low cost et low cost – et mérite d’aller au-delà des invectives. Quid de l’action syndicale dans ces milieux et de ses innovations nécessaires pour les pénétrer ? Quid d’une politique publique qui les conduise à évoluer ? Quid d’une action citoyenne à la hauteur de ce qui se fait par exemple pour le bio : on peut aujourd’hui consommer bio et être peu regardant sur qualité sociale de ces services et produits, non pas importés du reste du monde mais bien de chez nous. 

 

Le low cost représente donc une part de la nouvelle économie. Défi redoutable pour nos économies, notre créativité collective et nos modèles sociaux dans la mesure où nombre de nos organisations pourraient demain y succomber, il nous interroge tous en profondeur: managers, décideurs publics, partenaires sociaux et citoyens du monde. Peut-on produire mieux et moins cher, that’s the question !

 

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