4 minutes de lecture

triomphe

En cette rentrée, les sujets s’accumulent pour Metis. Qu’il s’agisse de la pluie de rapports sur la réforme du droit du travail, des travaux sur des réformes du marché du travail – comme le rappport Combrexelle –  peinant à prouver leur efficacité, de la montée du chômage, de la difficulté du vivre ensemble au travail, ou dans la Cité, ou encore de l’Europe sociale, aujourd’hui en état de quasi mort cérébrale. Or, bien que tout cela soit au cœur de nos préoccupations éditoriales, c’est ailleurs que vont nos pensées.

 

 

L’on a beaucoup vilipendé l’Allemagne quand il s’est agi de la Grèce. Parfois avec raison : pays pétri d’auto satisfaction, monstre égoïste et dominateur, que n’a-t-on entendu ! Mais il y a visiblement une autre Allemagne. Celle qui défend des valeurs universelles, celle qui ouvre ses portes, celle qui se mobilise pour accueillir les réfugiés. En un mot celle qui donne sens au mot fraternité.

 

 

De ce côté-ci du Rhin on est resté plus frileux. La maigreur des manifestations de solidarité du week-end passé en est un signe. Les réactions tardives et trop souvent embarrassées, pour ne pas dire plus, de la classe politique en sont un autre. Des villes, des associations, des citoyens ont heureusement décidé d’agir. Mais c’est encore trop peu. La petite musique xénophobe qui s’est instillée depuis des années, celle qui se déchaine sur les réseaux sociaux à tout propos, celle qui n’épargne pas Myriam El Khomri depuis sa nomination comme ministre du travail, celle qui entonne les trompettes de la sécurité pour ne plus traiter d’intégration, de prévention, de participation, cette petite musique n’a pas été sans effet. Ces drames nous laissent froids, hésitants, tétanisés.

 

Accords de Schengen, accords de Dublin : tout ceci est un peu dérisoire face au déferlement de réfugiés poussés par les guerres, les dictatures et la pauvreté et parfois les trois ensemble. Il est sans doute trop tôt pour tirer les leçons de cette crise dont la fin est peu prévisible. Mais plusieurs points méritent d’ores et déjà d’être soulignés.

 

Il s’agit tout d’abord de répondre aux dizaines de milliers de réfugiés qui frappent à la porte de l’Europe au nom des valeurs qui sont les nôtres, celles qui font l’Europe, celles qui font la France et que beaucoup ont oubliées : nous devons les accueillir, nous pouvons les accueillir. Cela ne veut pas dire que c’est facile, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de nombreux sujets à régler après. Mais fermer nos portes – ou ne pas les ouvrir – serait un peu comme si vous interdisiez l’accès de chez vous à des voisins menacés de mort ou dont la maison brûle.

 

 

Pourtant, la compassion si elle est nécessaire – et ô combien – ne peut être le moteur principal de l’action. Car elle occasionne toutes sortes de confusions – sur la nature des problèmes comme des solutions – et toutes sortes de simplifications. En outre, dans ces sociétés médiatiques où une compassion chasse l’autre, l’instant prévaut sur le long terme et l’émotion, sur l’organisation. Or sans vision à long terme, l’action immédiate risque d’être sans effet.

 

Ensuite, il s’agit de repenser notre rôle vis-à-vis de nos voisins. Quand l’Ukraine flambait – et les braises sont toujours chaudes – c’était un problème pour l’Est, pas un problème pour nous. Quand c’est le tour de l’Afrique ou du Moyen Orient, c’est l’inverse. Or dans les deux cas, c’est bien de notre avenir collectif qu’il s’agit. A force de nous regarder nous-mêmes, nous avons négligé les autres et pensé régler les choses au moyen de Frontex et autres murs. Raté. Allons-nous néanmoins persévérer dans cette voie ?

 

Enfin, cette crise nous renvoie à nos responsabilités locales et globales. Devons-nous pour retrouver dynamisme et bien-être nous centrer sur nous mêmes en excluant les autres ou devons-nous aider à sauver les autres pour nous (re) trouver ?  Faut-il les considérer comme des fardeaux comme le prétend la désormais fameuse Anne Lalanne ou comme une chance ? Les courants politiques dominants chez nous comme chez beaucoup de nos voisins privilégient désormais, et de plus en plus, la première voie. Mais c’est la seconde qu’il nous faut désormais non plus murmurer mais déclamer. Il nous faut un contre-discours et une contre-politique assumés. Au risque à contrario de tout perdre, de nous perdre. Citoyens de tous les pays, unissons nous !

 

 

PS : On lira avec intérêt la note que vient de publier la Fondation Schuman sur la politique d’asile en Europe et la Méditerranée

Print Friendly, PDF & Email
+ posts

Haut Commissariat à l'engagement civique