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L’Europe est à la une de nos agendas politiques, culturels et sociaux. Et pas seulement pour cause d’élections européennes en mai. Parce qu’il s’y passe des choses. Et pas que des choses négatives.

On a pu voir ces temps derniers des décisions (la Directive protégeant les droits d’auteur par exemple), des combats juridiques (les pénalités imposées aux GAFA – encore 1,5 milliard d’euros pour Google), des combats politiques pour la protection des libertés (le RGPD pour la protection des données individuelles collectées en ligne à notre insu). On a pu voir l’amorce de projets industriels communs (recherche-innovation sur les batteries électriques portée par la Pologne, l’Allemagne et la France) et le début de positions partagées en matière de commerce international pour rétablir un peu de symétrie dans les relations avec la Chine. Ce à l’initiative de la France et avec l’engagement de la Commission.

Peut-être faudrait-il dire, comme le fait récemment une Chronique d’Alain Frachon dans le journal Le Monde (5 avril 2019) : « Europhobie, y en a marre ». Peut-être faut-il apprendre à considérer que l’Europe est diverse et que c’est une richesse. Plutôt que de répéter des facilités du genre « c’est la cacophonie », peut-être faut-il, tout en cultivant les convergences (Voir dans Metis, « L’Union européenne, la plus formidable machine à convergence », Martin Richer), apprendre de nos différences, analyser « comment font les autres » et surtout pourquoi et avec quels résultats. Si un pays (l’Allemagne) avance plus vite que les autres sur la lutte contre les contenus haineux qui foisonnent dans les millions de messages des réseaux sociaux, il faut regarder ce que cela donne. Si un autre pays (la France cette fois) s’essaie à contrer les fausses informations, s’en inspirer ailleurs. Et là c’est pas gagné !

Par contre si un, ou plusieurs, Etat membres de l’Union européenne recule (la Pologne et la Hongrie en ce moment, l’Italie peut-être…), alors il revient à l’UE, au travers de ses différentes instances – le Parlement, la Commission et le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement – de le dire et le cas échéant d’engager les démarches pour le sanctionner. Sans faiblesse, car la lutte contre les différentes formes et manifestations de populismes sera essentielle dans les mois et années qui viennent.

L’Europe est également diverse dans ses modèles économiques et sociaux largement explicités et analysés dans de nombreux travaux de recherche, et là aussi c’est une source de comparaisons utiles et de richesses quant aux voies possibles de progrès et de changements (Voir dans Metis « « Macron Le Suédois », ou une sociale-démocratie à réinventer », Danielle Kaisergruber). L’Italie s’essaie au « revenu citoyen » dans une certaine confusion, la Finlande expérimente de nouvelles pratiques d’accompagnement des personnes que l’on dit « aux minimas sociaux » en rapprochant les travailleurs sociaux et les conseillers pour l’emploi. Ce qui rappelle « l’accompagnement global » mis en place par les Conseils départementaux français et Pôle emploi et ressemble bien au « Plan pauvreté » annoncé en septembre 2018 et qui amorce à bas bruit sa mise en œuvre…

Ce ne sont pas les réformes qui manquent en Europe. Au-delà, faudrait-il un modèle économique et social unique ? Sans doute est-ce que ce serait faire fi de la diversité des choix politiques faits par les citoyens des différents Etats, résultant d’élections démocratiques et tous légitimes même quand on a un peu de mal à les comprendre !

Peut-on dire que l’Europe, comparée aux Etats-Unis, ou à la Chine, ou à la Russie, est globalement caractérisée par la tentative sans cesse à renouveler, de concilier compétitivité des entreprises et liberté du marché d’un côté, et solidité de la protection sociale et des solidarités de l’autre ? C’est là ce qui a fondé (imparfaitement certes) l’alliance entre les sociaux-démocrates et la droite classique (les « chrétiens-démocrates » ?) au Parlement européen. En somme une « grosse coalition » à l’allemande.

Mais les cartes vont peut-être se trouver rebattues à l’issue du scrutin prochain. Pourra-t-on dire alors sans crainte d’être démenti par un Irlandais ou un Portugais, que l’Europe recherche l’égalité des chances pour tous en protégeant tout à la fois la liberté individuelle de se réaliser et une sécurisation collective d’un bon niveau ? Que l’Europe protège ceux qui y sont depuis longtemps et ceux qui voudraient y venir, continue d’encourager la libre-circulation (si précieuse pour ceux qui ont vécu derrière des frontières de fer) et appuie chaque pays pour qu’il se développe et ne perde pas ses habitants.

Toutes ces questions sont devant nous, elles méritent mieux que des fake news ou des approximations… et méritent bien un petit déplacement de proximité, au bureau de vote du coin.

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.