Parlerons-nous encore de la zone euro dans un mois ? Une telle question impensable encore il y a peu permet de mesurer la force des crises successives qui balaient notre monde depuis 2008. Et aussi, l’épreuve qu’elles représentent pour les gouvernants, les programmes et les idéologies – ou ce qu’il en reste – qui les sous-tendent. Force est de constater que pour le moment les droites européennes et des pays dits industrialisés – en Amérique Latine par exemple il en va autrement – s’en sont nettement mieux sorties au plan électoral que les gauches.
Ces dernières déjà minoritaires depuis des années n’ont cessé d’engranger les défaites : Royaume Uni, Portugal, Hongrie, pour ne pas parler de l’Espagne qui devrait suivre d’ici quelques semaines ou de la Grèce ! On pourrait certes citer l’Autriche ou, depuis peu le Danemark, mais aujourd’hui « ça ne le fait pas » ! Par ailleurs, outre Atlantique, Obama est tout sauf assuré d’un second mandat. Quant à la Russie ou la Chine, parler de gauche – ou de droite – serait surréaliste ! Bref, les gauches ont-elles encore quelque chose à dire ? Et si oui, quid de leurs réponses aux crises ?
De la gestion des sacrifices à un programme économique coordonné
De la gestion des sacrifices à un programme économique coordonnée que l’on a vu jusqu’alors s’est résumé à une gestion de crise qui ne se différenciait des droites, et encore, que par le type de répartition des sacrifices « inévitables ». En d’autres termes, les gauches n’ont été pas été capables de proposer des solutions articulant court et long terme, sauvetage et vision, local et global. Leurs dirigeants n’ont pas su – ou pas voulu ? – appréhender la complexité du monde et du capitalisme. Les débats en cours au PS français mais aussi au sein du SPD allemand sont-ils en train de modifier cette donne ?
Certains signes sont nouveaux et plutôt bienvenus : des deux côtés du Rhin on semble s’être entendu pour une sorte de programme économique coordonné : euro obligations et donc mutualisation de la dette, politique industrielle et écologique, poursuite simultanée d’une réduction des déficits publics et relance de la croissance, sortie à terme du nucléaire etc. Un tel scénario dépend néanmoins beaucoup d’une victoire successive des gauches françaises en 2012 et allemandes en 2013 : mais quel sera le plan B si tel n’est pas le cas ?
Vers un Conseil Mondial de la Renaissance
Par ailleurs, un tel programme économique ne fait pas tout et il faudra bien se poser d’autres questions : quelle vision commune et quelles actions conjointes pour reconstruire une Europe digne de ce nom ? A quoi cela renvoie en termes de fédéralisme ? Pourquoi ne pas envisager une sorte d’Union franco- allemande qui serait préluderait à une refonte de l’Union, de ses priorités et de ses mécanismes ? Comment entraîner les 25 autres ? Le fait de négliger, comme c’est actuellement le cas, la quasi-totalité des pays d’Europe centrale n’est pas tenable et risque d’entrainer à terme une paralysie de toute initiative économie ou politique majeure. Enfin, quelles seront nos actions conjointes face à la Chine, l’Inde, les USA et les pays émergents pour promouvoir une mondialisation maîtrisée et si possible équitable ?
Le débat socialiste français a contraint – situation oblige – les principaux candidats à la primaire à se saisir de questions qu’ils avaient jusqu’à présent négligées : dette, mondialisation, construction européenne, nucléaire et développement durable, migrations et intégration… Elle les force à accomplir un sacré saut dans la compréhension et la pédagogie des enjeux comme dans la définition des actions à mener au plan international, européen, national et local. Les électeurs, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, sont prêts à suivre si tant est qu’on leur parle vrai et juste. Le monde a changé et continuera de le faire. Et à supposer que l’Europe surmonte la crise de l’euro et de la dette, tout ou presque devra être reconstruit. Au-delà des indignations légitimes qui éclatent un peu partout, ce dont nous avons besoin ce n’est plus d’un programme du conseil national de la résistance, mais d’un projet issu d’un conseil mondial – ou à tout le moins européen – de la renaissance. Le bienfait des crises c’est de nous en indiquer l’urgent besoin. Encore faut-il en tracer les chemins : nous n’en sommes à ce jour qu’au commencement des commencements.
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