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Alors que de nombreux pays européens sont durablement « installés » dans la crise et que la question du chômage revient au premier plan des préoccupations politiques et sociales, se pose la question de nouvelles politiques en la matière. Va-t-on procéder comme par le passé en multipliant, comme l’ont déjà fait les pays les plus touchés, les mesures de flexibilisation du marché du travail ? Va-t-on empiler à nouveau les mesures d’urgence pour les groupes les plus touchés : jeunes, seniors, chômeurs de longue durée ? Ou bien est-ce que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics (désormais pour la plupart désargentés) sauront innover ? L’Union vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix. Mais est-elle capable un jour de décrocher celui de la créativité (qui reste à créer !) ?

 

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Si l’Espagne, le Portugal et la Grèce optent sous de terribles contraintes, pour une dérégulation très forte de leur marchés du travail, la France s’est engagée dans un vaste programme de négociations qu’il s’agisse de la sécurisation des parcours professionnels, de l’emploi des jeunes ou de la qualité de vie au travail. A quoi aboutiront-elles ? Ouvriront-elles la voie à des solutions non seulement équilibrées mais permettant une amélioration significative et une réduction des inégalités en matière d’accès à l’emploi, à la formation ou encore de mobilité professionnelle ? Pour quels effets d’entraînement sur les entreprises et les personnes ? Autant d’interrogations aujourd’hui sans début de réponse. Du niveau communautaire, n’attendons rien de très substantiel : l’heure n’est pas à un agenda social ambitieux qu’il s’agisse des Etats membres ou des partenaires sociaux. Quant au Parlement Européen, il discute d’une initiative en matière de restructurations qui déclenche des hostilités telles qu’il serait miraculeux qu’elle en réchappe !

 

Dans ce contexte pesant, je voudrais formuler plusieurs idées :

– Il est grand temps de changer de paradigme et de ne plus se focaliser sur la question du licenciement et des plans sociaux qui continue à agiter certains pays dont la France. C’est la notion de restructuration qui doit aujourd’hui prévaloir, au moins dans les entreprises d’un certaine taille de manière à pouvoir ouvrir un vrai dialogue sur les mutations en cours et à venir, à traiter les salariés sur un pied d’égalité et à sortir d’un théâtre social qui in fine ne débat que de l’indemnisation quand il faudrait soutenir les transitions, l’innovation et la création d’activités nouvelles.

 

– Si l’on veut accompagner durablement ces mutations, il devient urgent de déplacer le curseur de la grande entreprise vers son écosystème : sous-traitant et principaux fournisseurs. Alors que la tendance générale en Europe est à la négociation d’entreprise, c’est vers son développement à l’échelon des branches, filières et territoires qu’il convient de s’atteler. Celui-ci conditionne en effet l’émergence de dispositifs permettant aux employeurs et aux salariés des PME de faire face plutôt que de subir non seulement les conséquences du contexte général, mais aussi les décisions des grands groupes qui trop souvent ne les considèrent que comme des variables d’ajustement

 

– Il est temps aussi de regarder les réserves de flexibilité interne dont nous disposons, du moins dans certains pays. S’il n’est pas impensable de rediscuter, dans des cas exceptionnels de salaires, il est beaucoup plus urgent de rouvrir le débat sur le temps et sur les organisations du travail. Il ne s’agit pas ici que de chômage partiel même si les comparaisons européennes montrent de manière flagrante que ce dispositif peut être beaucoup plus utilisé qu’il ne l’a été jusqu’à présent. Il s’agit aussi de voir comment le temps réduit – y compris celui issu des 35 h à la française, – peut être massivement mobilisé en faveur de l’amélioration de l’employabilité à commencer par celles et ceux qui sont les plus menacé(e)s.

 

– Pour revenir à la question des inégalités, dont il est désormais prouvé qu’elles sont un frein au développement durable, celles qui se sont forgées en matière de formation ne sont pas les moindres. Dans plusieurs pays européens, dont la France, la formation initiale doit être repensée du fait des exclusions qu’elle ne cesse de générer et la formation professionnelle doit être réorientée en faveur des plus vulnérables. Trop de dispositifs ne corrigent pas les inégalités initiales, pire ils les accentuent. Il devient donc impératif de se doter ici d’obligations collectives de résultat et non plus d’obligations, inutilement coûteuses, de moyens.

 

Last but not least, nous ne pouvons pas faire l’économie de projets et même de grands desseins. Les Européens comprennent bien plus qu’on ne le dit les nécessités d’ajustements plus ou moins douloureux. Mais c’est la question du sens qui fait aujourd’hui cruellement défaut. On l’a vu avec la crise du travail dans les entreprises. On le voit aussi à l’échelle de nos sociétés, ou l’euphémisation comme règle de gouvernement crée plus de problèmes qu’elle n’en résout et conduit à une sorte de déprime collective plus qu’aux sursauts espérés ! De la volonté de vouloir et de pouvoir entreprendre ensemble surgira, ou non, une bonne part, de la solution à « la crise ».

 

 

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