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Comment résister au déclin ? Comment innover et produire demain ? Et ce dans un contexte de mondialisation agitée, pour ne pas dire guerrière, de mutations technologiques, démographiques et politiques en tous genres ? Difficile dans les circonstances actuelles que Metis ne dise rien.

Pour beaucoup de décideurs, la potion magique tient en quelques mots : la logique de l’offre. Adoptée depuis plusieurs années par de nombreux gouvernements, elle est désormais à l’honneur en France et ce sous l’empire d’un gouvernement de gauche dont la légitimité, extrêmement précaire, ne repose plus que sur des constructions institutionnelles très particulières de la 5ème République. Cette logique suit le raisonnement suivant : face à une atonie de la croissance, un déclin de l’industrie, une dette exponentielle et une attractivité en baisse, il faut libérer les entreprises, moteurs de l’activité et de l’emploi. Y a-t-il là une pensée de droite ? En partie certainement. Mais il y a surtout un impensé de gauche.

 

La social-démocratie au Nord, disons de la Hollande à la Scandinavie en passant par l’Allemagne, a fait depuis longtemps le pari suivant : un faible interventionnisme économique fondé sur la confiance dans un capitalisme plus créateur que destructeur, un modèle social protecteur basé sur un dialogue entre partenaires à la fois forts et autonomes et enfin, une gouvernance d’entreprise qui fait la part belle à des mécanismes de codétermination.

 

De tout cela la France, toutes tendances politiques confondues, n’a jamais vraiment voulu, modèle monarchique mais aussi traditions colbertiste et anarcho-syndicaliste obligent. Elle s’est défiée du caractère schumpétérien du capitalisme et n’a pas voulu non plus de la co-détermination. Lui reste un modèle social protecteur fondé plus sur l’octroi que sur le contrat, sur l’assistance que sur l’empowerment. N’avoir pas su faire évoluer ce modèle, engendre aujourd’hui des dégâts visibles et massifs : la désindustrialisation de la France est l’une de plus forte des pays de l’OCDE et ses impacts sociaux, territoriaux mais aussi politiques sont désormais multiples.

 

Que faire donc ? Nous plaidons à longueur d’éditos pour une Europe dédiée à la création en tous domaines, d’un continent de la Renaissance et des innovations. Une certaine politique ou logique de l’offre ne peut donc pas nous laisser insensible. Mais.. il y a un GRAND MAIS.

 

Ne se voulant pas antinomique d’une  politique de la demande, la politique de l’offre que nous voyons se déployer aujourd’hui en France est, en dépit de ses affirmations, et plus encore que ses consœurs européennes, loin de l’Entreprise avec un grand E et donc loin, très loin du Travail. De l’Entreprise, elle ne retient qu’une forme dépassée, élitiste, réduite à ses dirigeants, verticale, subordonnée, hors sol et hors réseaux. Du travail elle ne retient que l’emploi et l’aspect social ou redistributeur, aveugle à son caractère producteur, agile, créateur et pourtant premier. Ne restent alors – à son crédit ? – que de rares réformes sociétales impuissantes à masquer ces béances et, pour beaucoup, dépourvues de « bases ».

 

Cette double impasse, ce double aveuglement dépouille cette gauche prétendument moderne d’une pensée et du projet d’avenir. Elle la fait passer à côté d’un projet de société reposant sur la libération de toutes les énergies, d’un projet capable de susciter et de fédérer ces initiatives économiques, sociales ou territoriales qui souvent pullulent mais trop souvent aussi s’épuisent. D’un projet qui parle aux gens car construit par eux et avec eux. Et entre l’impensé de cette logique qui relie l’homme au Travail et à l’Entreprise et le rapport, brisé, au peuple, il n’y a désormais qu’un pas, largement franchi.

 

Ces traits qui caractérisent la gauche française s’appliquent à bien des égards à ses voisines du Sud voire, de plus en plus, à ses voisines du Nord (et je ne parle pas de l’Est où la gauche ne s’est jamais remise du socialisme, pour de mauvaises mais peut-être aussi pour d’excellentes raisons !). Ils expliquent largement la domination des droites comme la poussée de ces populismes extrêmes puisque au fond sur l’essentiel rien ne change vraiment.

 

Travail, Entreprise, empowerment, initiative, collectifs, solidarités : Il y a place pour une autre politique de l’offre. Je doute fort toutefois que cela soit le chemin que prend aujourd’hui l’Hexagone. Et quant au reste de la social-démocratie européenne, elle n’est guère en meilleur état : elle aussi doit faire face à la montée des populismes et ce n’est pas vers elle que se tournent les générations qui viennent.

 

C’est pourtant grâce à ces dernières que je conclurai par une note foncièrement optimiste. L’énergie concentrée de plus d’un millier de jeunes Européens engagés dans la vie associative et solidaire, et qui viennent de se réunir à Poitiers pendant trois jours a quelque chose de consolant, revigorant, réjouissant. Lorsque tous ces jeunes se mettent à délibérer, partager et inventer ensemble de nouvelles formes d’agir démocratique et ce y compris au travail, il y a là un appui majeur pour une renaissance qui plus que jamais doit être à nos agendas économiques, écologiques, politiques et sociétaux. Vive la libération des énergies, de toutes les énergies comme des énergies de tous !

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