4 minutes de lecture

Cet - couleur

Il ne faut pas s’y tromper : les années qui viennent risquent de ne pas être favorables aux salaires dans nombre de pays de notre continent. Croissance nulle ou presque, pressions continues sur les prix, gel ou baisse des dépenses publiques : il faudrait des miracles pour continuer à gagner plus ! Or, à l’heure où il est de bon ton de faire l’apologie du dialogue social, la négociation collective ne se porte pas très bien en Europe.

 

En effet, selon des données récentes collectée par Eurofound, la crise a un impact tout à fait significatif sur le négociation : baisse du volume des accords mais aussi de leur qualité, durées d’accords raccourcies, procédures d’extension moins fréquentes, des mécanismes de fixation des salaires largement révisés (et rarement à la hausse… ), rapports plus crispés entre partenaires sociaux. Et, pour couronner le tout, un degré de couverture conventionnelle significativement à la baisse : – 5% en un an avec des pays où la chute est spectaculaire – Grèce, Chypre ou Portugal – et d’autres où elle est non négligeable : Espagne, Allemagne, Suède ou encore Royaume Uni.

 

Les impacts de ces évolutions ne sont pas minces : d’une part, l’on assiste à un nombre plus élevé de négociations qui ne débouchent pas, d’accords qui ne se concluent ou ne se renouvellent plus et, en matière de salaires, à une hausse importante des baisses ou des gels.

 

Ces phénomènes convergent désormais avec des tendances lourdes qui elles n’ont pas cessé – il en va ainsi du déclin continu de l’affiliation syndicale ou des réformes du secteur public rarement à l’avantage du syndicalisme – voire qui se sont accélérées : décentralisation de la négociation collective vers le niveau de l’entreprise, clauses dérogatoires aux accords nationaux et/ou de branches.

 

L’on pourrait être tenté de minimiser ces évolutions dans un contexte de crise – il faut bien se serrer la ceinture – mais l’on peut aussi voir les choses autrement et s’interroger sur le devenir de la négociation collective elle-même.

 

Revenons un instant à la question des salaires, question centrale s’il en est pour la négociation collective et ce, depuis les origines. A partir du moment où celle-ci n’est plus en mesure d’influencer significativement la répartition des revenus dans une société – et cela est particulièrement vrai quand la négociation d’entreprise prend le dessus sur les autres – elle régresse, voire se cantonne à des sujets secondaires. Ce recul, désormais palpable, se combine à la pertinence des branches et des secteurs. Si la situation française est quasi ubuesque avec des centaines de branches dont beaucoup sont devenus obsolètes, nombreux sont les pays où l’adéquation des secteurs et branches aux réalités de la concurrence sociale devient problématique : internationalisation et interdépendance croissantes des économies, externalisation et chaînes de valeurs intersectorielles convergent pour dépouiller branches et secteurs d’enjeux salariaux.

 

Il y va aussi de la représentativité des acteurs : comment la partie patronale prend-elle en compte les mutations qui s’opèrent par le jeu de la sous-traitance comme par le jeu de l’emprise des grands groupes mondiaux dont les enjeux sociaux se déterritorialisent ? La partie syndicale, qui doit affronter les mêmes défis, doublés de ceux de sa représentativité, dans une société salariale marquée par un chômage et une précarité aussi massifs que structurels, des formes nouvelles d’emploi salariées ou non, etc… , peut-elle valablement continuer à parler au nom de tous les travailleurs ?

 

Enfin se repose dans des termes nouveaux la fameuse « autonomie des partenaires sociaux ». L’exemple nous vient ici d’Allemagne : avec l’instauration par l’Etat d’un salaire minimum dans un champ qui était du ressort exclusif des partenaires sociaux, c’est un jeu nouveau qui commence outre Rhin. La puissance publique ne peut pas – ou plus – s’abstenir, quand la répartition des revenus devient problématique. Mais cela réclame pour les autorités publiques une triple adaptation : celle de leur rapport aux partenaires sociaux eu égard aux enjeux d’inégalités croissantes, celle de leurs armes en la matière, sociales ou fiscales, et celle enfin d’un minimum de transnationalité, aujourd’hui quasi absente, y compris au sein de l’Union (qui n’a toujours pas compétence en la matière !).

 

Il y aurait beaucoup à dire encore sur la négociation, sur les conflits qui la structurent (ou pas ), sur les forces en présence et sur la place qu’elle occupe au sein du dialogue social : mais ce sera pour 2015 ! En attendant, toute l’équipe de Metis vous souhaite de joyeuses fêtes !

Print Friendly, PDF & Email
+ posts

Haut Commissariat à l'engagement civique