Il y a quelques mois, on a craint que l’extrême droite autrichienne ne l’emporte : finalement c’est le candidat écolo-centriste qui est devenu président. Le risque n’a cependant pas disparu et de nouvelles élections auront lieu au printemps 2018. Les Européens ont aussi eu très peur lors des élections aux Pays-Bas et plus encore lors des présidentielles en France, pays qui reste aux yeux des autres un symbole de liberté et d’idées progressistes.
Les Anglais ont voté pour la sortie de l’Union européenne, mais différents signes montrent que ce n’est pas forcément la sortie de l’Europe puisqu’ils ont ensuite condamné leur Premier ministre – il est vrai bien mal inspirée -, à une improbable alliance irlandaise. Mais il ne faut pas s’y tromper, la défiance envers l’institution européenne reste grande, et parfois même la défiance envers les gouvernements nationaux, quels qu’ils soient. Les Catalans veulent toujours leur indépendance, les Italiens du Nord sont toujours aussi réticents à payer pour le sud du pays – il est vrai, mis à mal par l’arrivée massive des réfugiés. Et il est probable que si c’était à refaire, les Anglais revoteraient pour le Brexit. Autant dire que l’on n’en a pas fini avec les questions d’identité nationale et les tentatives de replis.
Dans ce paysage d’opinions incertaines, et qui le restera, qu’est-ce donc qui change ? Quel est ce vent de l’histoire qui semble en cet été 2017 plus favorable à l’Europe ?
En premier sans doute, je mettrai bien sa position dans le monde : partenaire commercial de 500 millions d’habitants redevenant offensif (donc parfois défensif, il faut les deux attitudes et en même temps…) dans ses liens avec l’Asie. Pôle de stabilité en paix depuis longtemps face à l’imprévisibilité américaine et aux coups de mentons russes. Donc partenaire fort de la recherche de la paix dans le monde : les avancées de l’idée de défense européenne sont réelles et décisives : création d’un fonds européen de défense, mise en commun de moyens de recherche dans les industries de défense, possibilités d’actions communes pour assurer ensemble la sécurité de l’Europe.
En second, je citerai volontiers un certain retour à la philosophie première de l’Europe : c’est « une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’Etats » (Emmanuel Macron), donc l’Europe avance quand les Etats avancent ensemble, pas quand elle se contente d’être et de fonctionner comme une grande organisation internationale, un « machin » comme disait de Gaulle (ou une machine administrative comme disent beaucoup de citoyens).
En troisième la volonté de cohérence économique et sociale au sein de la zone euro : doter cette zone, pour l’heure uniquement définie par la monnaie, d’un budget consolidé, d’un ministre de l’économie et des finances en sorte de faire que les politiques économiques des Etats ne soient pas contradictoires, ralentissant ainsi la croissance de l’ensemble.
Quelques propositions récentes s’inscrivent dans ce renouveau européen : ainsi de la construction de nouvelles règles du jeu concernant les travailleurs détachés (à l’origine de bien des ressentiments même s’ils ne sont pas si nombreux que ça !). L’aboutissement des propositions françaises (limitation de la durée des détachements à 12 mois, lutte contre les sociétés « boîtes aux lettres », règles pour le transport routier…) ne sera pas aisé. Les pays de l’Est de l’Europe n’en veulent pas parce que la directive actuelle (de 1996) leur est favorable… Mais au-delà de ce sujet, il faudrait bien aborder avec ces mêmes pays, la Pologne par exemple, la question de leurs choix de développement : veulent-ils rester les « usines » de l’Europe, pour l’industrie comme pour les services, des pays low cost qui n’arrivent pas à franchir le pas vers l’innovation et la montée en gamme de leur modèle ?
L’Europe est une construction originale qui ne ressemble à rien d’autre : faite de territoires et de nations profondément différents, ancrés dans des géographies et des histoires particulières. Il n’y a pas un Etat européen, mais une « Commission européenne », appui des Etats et force de proposition. Force d’action quand elle est soutenue : les amendes récentes infligées à certaines des entreprises du numérique en sont la preuve. La dernière est très intéressante car elle vise le cœur même de l’activité de Google en recherchant l’abus de position dominante dans les algorithmes qui permettent que « the winner takes all ». Une bonne initiative européenne et un petit pas vers plus de régulation internationale des multinationales. A suivre.
Il est maintenant essentiel que les contradictions entre les modèles économiques des différents pays ne pénalisent pas l’ensemble. Les Européens ont tout à gagner à un débat d’idées plus clair : sur les modèles de développement de chacun et leur compatibilité, sur les évaluations des modèles sociaux. Ainsi de la flexisécurité : pourquoi produit-elle des effets positifs au Danemark et pourquoi a-t-elle accentué la précarité aux Pays-Bas en la concentrant sur les mêmes populations ? A quelles conditions le choix de ne pas protéger les emplois, mais d’équiper les travailleurs pour faire face aux changements (accompagnement, formation, requalification), réaffirmé par la ministre suédoise des Finances Magdalena Andersson (Le Monde, 9 juin 2017) peut-il être vertueux ?
Metis Europe, qui remercie vivement ses nombreux lecteurs pour leur soutien financier actif, continuera de porter l’exigence de ces débats dès la rentrée.
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