4 minutes de lecture

Hier – disons depuis 3-4 ans – l’heure était à l’indignation. Stéphane Hessel faisait un tabac avec son petit opuscule et des vagues d’indignés secouaient des pans entiers de la planète : de la Tunisie au Chili, de l’Iran à l’Ukraine en passant par l’Espagne ou l’Italie, des mouvements massifs s’élevaient contre la corruption, la privatisation de la chose publique, la restriction des droits et libertés…. Cette vague n’est pas éteinte et a encore mille occasion s de se manifester ici et là. Mais les « afters » ont un goût assez amer. Les raisons en sont bien entendu très diverses. Pourtant un facteur commun me semble expliquer ces revirements et autres désillusions. Il tient à la question et à la place du politique dans nos sociétés, et , en la matière au rôle éminent de plusieurs facteurs.

 

Le premier tient à la privatisation généralisée de nos sociétés. Il y va d’abord de la privatisation massive des biens publics menée à marche forcée durant les trois dernières décennies. La chose publique n’est devenue qu’une valeur par défaut. Mais cette privatisation a des racines plus profondes et entretient un rapport étroit avec l’individualisation et la « tribalisation » ou multi communautarisation de nos sociétés. Qu’avons-nous en commun les uns avec les autres ? Comment définir une règle générale voire universelle ? La primauté du moi a sacrément secoué l’idée d’un intérêt général. Le libéralisme a évidemment pu surfer d’autant plus facilement sur ces questions que la gestion de la chose publique, son service du citoyen pouvaient laisser, parfois grandement à désirer. De plus, en face, la seule réponse fut celle d’une posture défensive qui n’est parvenue, au mieux, qu’à limiter les dégâts, quand elle ne s’est pas dissoute dans le laisser-aller général. La gauche, la social-démocratie n’a pas su, et souvent même pas voulu, dessiner de manière offensive ce à quoi pouvait ressembler la Cité de demain.

 

Le second facteur tient à la dévaluation du politique. Soit en raison de ses rapports à la décence commune chère à Orwell : on pense ici par exemple à la confiscation des biens publics par une classe politique pour son propre profit et pour celui des clans qui la soutiennent dans de nombreux pays du monde, y compris en Europe. Soit encore en raison de son incapacité à comprendre le monde et à tracer une perspective à la fois audible et crédible pour le plus grand nombre : les exemples sont hélas à la fois légion et si proches…. On pourrait aussi invoquer la professionnalisation du politique qui a contribué à sa perception exclusivement carriériste ou utilitariste au détriment de toute vision altruiste. Et la « communication » y est sans doute pour beaucoup, n’en déplaisent aux communicants.

 

Le troisième nous concerne. Nos désengagements ont sans doute été à proportion de nos désenchantements. Et quand nous nous réveillons, quand nous voulons faire quelque chose, c’est en général à côté. Lorsque l’indignation est trop grande et déferle, elle emporte parfois tout ou partie d’un système honni mais elle est bien plus à la peine pour construire. Bref l’impréparation et l’improvisation politiques ont elles aussi fait des dégâts. De la Méditerranée à l’Europe centrale, sans parler de l’Asie ou de l’Amérique Latine, beaucoup aujourd’hui s’en mordent les doigts.

 

L’engagement social, on doit s’en féliciter, ne faiblit guère. Mais, sans lien avec le politique, ses limites sont patentes. Il ne s’agit pas de restaurer les liens organisés qui existaient – ou subsistent encore notamment au Royaume Uni ou dans les pays nordiques – entre partis et syndicats par exemple. Mais il s’agit de repenser ces liens en termes non pas défensifs mais constructifs. En France, mais aussi dans d’autres pays, la montée des populismes est fortement corrélée à ces impensés. A leur manière ils se sont emparés de la question sociale, tombée largement en déshérence ailleurs. S’il n’est pas trop tard pour y remédier, cela devient désormais urgent !

 

C’est donc sous le signe de l’engagement en ce début d’année 2014 que je vous présente les vœux de Metis . « Engagez-vous, engageons-nous » : je ne vois pas d’autre chemin que celui-ci pour sortir de la crise ou échapper à une reprise qui ne soit que la pâle copie des errements d’un passé encore très présent ! Et puisque le travail n’est pas (que) souffrance, j’y ajoute tous nos vœux de bonheurs, grands ou petits, personnels et professionnels !

Print Friendly, PDF & Email
+ posts

Haut Commissariat à l'engagement civique