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triomphe

A Metis, on déconnecte parfois ! Comme c’est le cas pour beaucoup d’entre vous cet été. Ca fait du bien aux neurones, ça nous permet d’aller au-delà de nos écrans multiples, de découvrir de nouveaux horizons, de faire autre chose … ou de ne rien faire du tout ! Mais il y a déconnexions et déconnexions. La tentation était forte de parler de la Finlande, de son « revenu de base » et de tout ce qui bouge dans certains coins de la planète en matière de revenus et de protection sociale. Mais la sagesse, matinée d’un peu de paresse, nous a incité à y surseoir afin de mieux y revenir plus tard.

 

L’hyper connexion de notre quotidien, celle qui nous rend dépendants de nos mails, smartphones et autres applis formatant, pour le meilleur et parfois pour le pire notre quotidien, ne nous rend pas forcément le monde et ses évolutions plus proches, plus sensibles, plus intelligibles. S’en détacher ne serait-ce que quelques instants, quelques jours – quelques semaines pour les plus téméraires ! – peut nous faire du bien et nous être salutaire.

 

Mais paradoxalement, il y a des déconnexions parfois préoccupantes, pour ne pas dire inquiétantes. Celles des médias et des faits qui ne sont certes pas nouvelles mais qui perdurent, à tout le moins. Tous les jours ou presque, nous nous apercevons que le mariage à trois – celui du numérique, des médias et de la rumeur- peut faire mal. Le lynchage en ligne se répand et ses impacts sont tout sauf virtuels. Les réseaux sociaux donnent prise aux emballements les plus extrêmes : on incrimine – avec raison – l’usage qu’en fait Daech mais l’on est prêt à y céder pour une malheureuse histoire de bikini ! C’est ainsi qu’à Reims, sur fond de déontologie journalistique non respectée, de réseaux sociaux enflammés et de politiques en mal de tweets, on a failli transformer une médiocre querelle de filles en une affaire de police religieuse et de loup (islamique). Ce n’est sans doute qu’un début.

 

Plus largement, il y a la déconnexion entre le monde et la pensée du monde qui, en dépit des connaissances accumulées, fait face aujourd’hui à une avalanche d’idées plus régressives que progressives. Faute de pouvoir penser à la fois la société et la planète, nous sommes tentés par la démission (c’est trop compliqué) et la déraison (faisons fi du monde et continuons à penser comme s’il n’existait pas). Nos institutions politiques en sont coutumières, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont pas les seules ! Islam, Grèce, migrants, climat social, solidarités et j’en passe : la tentation d’un repli généralisé nous guette.

 

Un mot sur la déconnexion entre le travail et l’emploi, sujet souvent abordé dans ces colonnes et où là encore, le fossé grandit. Alors que la courbe du chômage continue de croître – et dire que certains s‘y accrochent ! -, les politiques publiques de l’emploi, elles, persévèrent. Les vieilles recettes prolifèrent – celles des réductions des charges, de règles, des protections – de manière dogmatique, faute d’avoir essayé de réfléchir et d’agir autrement. Il en va ainsi de la disparition du travail comme objet de la pensée politique contemporaine, ce qui a pour effet d’aggraver les choses à bien des niveaux: collectifs, individuels, économiques, écologiques, sociaux et j’en passe. Et sur ce point, la responsabilité de la gauche – toutes tendances confondues , politiques et intellectuelles – n’est pas mince : elle déconn(ecte) grave !

 

Mentionnons aussi, à des degrés divers selon les endroits, la déconnexion entre les élites et le réel. La critique des élites a quelque chose de trop facile, reconnaissons-le. Mais il y a quelque chose de fort préoccupant avec l’ordre oligarchique qui se constitue – ou se reconstitue – aujourd’hui : quand les mondes se ferment, que les élites s’auto-reproduisent, que la « com » prend le pas sur la vision, la réflexion et l’action, que la démocratie devient de plus en plus formelle, que l’autisme règne, que la conduite du monde est rivée aux sondages, il est légitime de s’en indigner, de s’en écarter, de vouloir s’en débarrasser.

 

Bref, il y a déconnexions et déconnexions. Profitons des unes pour réfléchir aux autres. Nos sociétés ont plus besoin de nouvelles visions, de nouveaux liens et de nouveaux contrats que de nouvelles applis.

 

Sur ce, bel été à toutes et à tous.

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