Si l’image du DRH d’Air France a fait le tour du monde, ou presque, reflète-t-elle pour autant comme le disent des medias l’état de la fonction, voire, celui des relations sociales en France ? Rien n’est moins sûr. Mais cet incident a le mérite de nous poser des questions plus profondes et de nous interroger sur ce que sont devenues les ressources humaines et leur direction dans les entreprises d’aujourd’hui.
Metis a même voulu en faire son dossier du mois en donnant, entre autres, la parole à des DRH dont on constatera la variété et des situations et des points de vue. Certains se demandent si leur rôle, dans ces temps de réorganisations récurrentes, ne se réduit pas à savoir conduire le moins mal possible des processus de dégraissages. D’autres soulignent le supplément d’âme qu’ils apportent de par leur action à l’entreprise et à ses personnels. Mais force est de constater un certain paradoxe. Alors que le vocabulaire des ressources humaines (RH) s’est imposé un peu partout, dans le privé comme dans le public, et que l’on a multiplié les fonctions s’y rapportant tout en les professionnalisant, un sentiment domine: l’on ne fait pas plus cas aujourd’hui qu’hier des hommes et des femmes dans les organisations. Et ce sentiment est parfois plus fort en France que chez nos voisins européens. Cela est dû à une multitude de raisons.
La professionnalisation des RH en est une au sens où elle fait souvent prévaloir des savoirs procéduraux sur les finalités. On peut être un as de la gestion de la paie, du recrutement, de la formation ou des relations sociales tout en occultant trop souvent la question du pour quoi faire et à quoi ça sert. La question de la place des RH dans l’ensemble du processus managérial compte aussi : le sous-management généralisé – dont Metis a souvent parlé sous la plume de Xavier Baron – n’est pas sans conséquence sur une profession qui, à elle seule, ne peut combler ce type de manque. Et puis il y a d’autres phénomènes : la difficile prise en compte par les DRH de la transformation des organisations productives, l’impensé de l’entreprise étendue, la gestion par trop individualisée des relations de travail. Le déclin du métier des relations sociales en témoigne, trop souvent assimilé à la seule gestion des institutions représentatives du personnel et à des exercices formels de négociation sociale. L’acceptation de la notion de business partner cache mal la réduction de la fonction à une simple gestion des ajustements (à la baisse), etc. Sans parler du fait que la contribution des RH aux innovations sociales et organisationnelles est généralement faible.
Pourtant, certains DRH, rares, ont encore d’autres ambitions pour leur métier. Comme celle de participer à la stratégie de l’entreprise, et pas seulement de la décliner. Comme celle de l’ouvrir aux défis du futur, qui ne se résument pas à la gestion des talents, des hauts potentiels ou à la prise en compte de la génération Y ou Z ! Le DRH d’Air France en fait sans doute partie et c’est pour cela qu’il se trouve impliqué à ce point dans la violente controverse stratégique qui traverse l’entreprise. Mais trop ont abdiqué. Et ce n’est pas l’ajout d’activités baptisées « responsabilité sociale » qui change fondamentalement la donne, du moins tant que celles-ci ne conduisent pas à des réorientations en profondeur de la direction des affaires. La fonction RH est en crise, c’est à dire en transition. En-a-ton vraiment pris la mesure chez les dirigeants ou les partenaires sociaux ? Les formations qui y mènent ne préparent-elles pas trop de techniciens et trop peu de stratèges alors qu’il y a là une vraie question politique (et de politique d’entreprise) ? Le débat est largement ouvert. Et notre dossier tentera d’y contribuer.
Laisser un commentaire