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Cet éditorial devait tourner autour de l’avenir du droit du travail – nous en dirons quelques mots – et devait ignorer Nicolas S. et Carla B. Sur ce point, promis on ne dira rien, d’abord parce qu’il n’y a rien à dire (eh! oui) ensuite parce que cette agitation people est assez misérable au regard de l’état du monde et de la société française. D’ailleurs, puisque la laïcité doit être, paraît-il, revue à la lumière de nos racines judéo-chrétiennes pourquoi ne mettrions-nous pas à profit la période de carême pour instituer un jour de jeune médiatique sans elle et sans lui ?
Difficile par contre de ne rien dire des négociations sur la modernisation du marché du travail. Quatre des cinq confédérations syndicales et trois organisations patronales ont souscrit à un menu substantiel. Le projet d’accord parle : d’un nouveau type de CDD à objet défini, de rupture conventionnelle et amiable, de périodes d’essai et d’indemnités de licenciement, d’assurance chômage et d’accompagnement des demandeurs d’emploi, de gestion prévisionnelle des emplois et de mobilité, de portage salarial et contrats précaires, de couverture maladie et de limitation des contentieux. Est-ce la variété du menu qui fait écrire à certains qu’une flexicurité française est en marche ? Y a-t-il dans tout cela des éléments de modernité, ou à tout le moins de modernisation du droit du travail ?

bonjour la modernité !

Le retour d’une autorisation administrative de rupture, grâce au pouvoir de validation du directeur départemental du travail sur les ruptures conventionnelles amiables, au moment où les réformes administratives annoncées prévoient sa suppression ! ? L’allongement des périodes d’essai ? La multiplication de propos vertueux sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? La répétition, suspecte, de l’obligation d’énoncer les causes du licenciement ? La volonté de réduire l’emprise du juge ? Il n’y a ici qu’un ensemble de progrès et régressions somme toute bien classiques. Et si l’on y ajoute une belle occasion ratée, celle de faire participer l’ensemble de la société au processus de délibération sociale comme avait su le faire assez bien le Grenelle de l’environnement, bonjour la modernité !

Certes, le projet d’accord comporte des embryons innovants. Portabilité de certains droits au-delà des limites de l’entreprise où ils ont été acquis, légalisation et encadrement de la relation triangulaire de portage salarial confiée à la branche de l’intérim, possibilité d’accéder aux prestations chômage sans avoir été involontairement privé d’emploi, dispositions incitatives à la mobilité géographique et professionnelle. Soit. Mais attendons pour voir. Entre le développement jusqu’au terme et l’avortement, la destinée des embryons est en général bien aléatoire.

un agenda communautaire des plus modestes

Alors l’avenir du droit du travail dans tout cela ? Pour l’instant, il faut bien le dire, les perspectives sont modestes. Une négociation sur la représentativité syndicale qui va sans doute faire silence sur les nouveaux acteurs sociaux : ONG, associations, territoires, pourtant de plus en plus actifs en matière sociale. L’entrée en vigueur ce mois-ci d’un code du travail recodifié à droit constant – et c’est bien là le problème que d’avoir choisi de le réécrire sans en rediscuter les principes généraux, alors que chacun s’accorde à reconnaître que les mutations des entreprises, du travail et du salariat sont multiples et profondes. Un agenda communautaire des plus modestes, présidences slovènes et françaises inclues, où l’on va essayer une nouvelle fois d’avancer sur les directives temps de travail, intérim et CE européens. Bref, la recomposition des règles sociales en France comme en Europe n’est pas vraiment à la hauteur de leurs décompositions. La notion même de droit social moderne, qui intégrerait enfin des éléments de droit des sociétés, de l‘environnement, de la propriété intellectuelle, de la santé, de la consommation n’est pas vraiment débattue. Au fait, Lui, va-t-il tenir ses promesses sur les class actions ? Metis aurait souhaité que cette année 2008 soit plus ambitieuse en matière de refondation du social. Tout en restant sceptique sur ce point, nous vous présentons, chers lecteurs, nos meilleurs vœux : que bouillonnent les idées !

Claude-Emmanuel Triomphe

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